première guerre mondiale, prix goncourt, pierre lemaitre

🏆Prix Goncourt 2013

Il est plutôt rare de lire des livres sur les profiteurs de guerre, sur ces gens qui ont fait du carnage leur gagne-pain, qui ont profité de la situation tragique, et des bons sentiments des uns et des autres pour s’enrichir sur le dos des pauvres et de l’État. Pierre Lemaitre nous donne ici une vision bien différente de celle à laquelle nous sommes habitués. Ici, pas de louanges, pas d’héroïsme gratuit, pas de pitié, pas d’illusions. Des pauvres, des riches, tous escrocs qui se débrouillent pour s’en sortir au dépend des autres. Après la vie en communauté dans les tranchées, c’est chacun pour sa gueule, et que le meilleur gagne. C’est tout un monde, du bas en haut de l’échelle sociale, qui multiplie les coups bas, saisit toutes les occasions d’abuser les autres. C’est aussi une réalité qu’on préfère ignorer: la défiance vis-à-vis des démobilisés, eux qui avaient souvent perdu beaucoup à cause de la guerre, un membre, une position, une femme, un fils… Et au contraire, ce culte voué aux morts, à ceux tombés pour la patrie, glorifiés dans des cimetières, où finalement on ne savait déjà plus distinguer une dépouille d’une autre, et où les tombes ont été réalisées de manière approximative, pour complaire aux familles et à l’Etat.

Un regard inhabituel, désabusé, ironique, et sans illusion de la guerre, qui change agréablement de tous les grands discours nationalistes qui glorifient la défense de la patrie, en occultant tous les côtés moins glorieux de la guerre. Un formidable portrait de ces hommes, ces femmes et ces enfants dont le destin s’est croisé, plus souvent pour le pire que pour le meilleur. Profonds, attachants ou détestables au possible, ambigus aussi, surprenants, atypiques, les personnages fascinent, attirent notre sympathie, ou pour le moins notre compréhension. Patiemment bâtie, l’intrigue nous emporte, nous interpelle, on s’interroge, impossible d’identifier le bien du mal, le juste de l’injuste. On est emporté dans le tourbillon de l’histoire dans L’Histoire, cette petite histoire des magouilles d’après-guerre qu’on préfère oublier, les grandes escroqueries qui ont su tirer profit des malheurs de la mère patrie, et des mères tout court.

Un prix Goncourt mérité en somme.


Résumé de l’éditeur :

« Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d’avantages, même après. »

Sur les ruines du plus grand carnage du XX° siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec Ses morts…

Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, Au revoir là-haut est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’État qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.

Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros,Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue avec un talent et une maîtrise impressionnants.


Comme toujours il s’était précipité, déjà prêt à rendre service, à se montrer utile, offert, offrant, ah, ce qu’il aurait aimé être une fille de joie.

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