la septième fonction du langage - laurent binet - Qui a tué Roland Barthes? - Editions Grasset

🏆Prix Interallié 2015

Soyons honnêtes, quand j’ai commencé cette histoire, je me suis dit qu’il y avait une forte probabilité que je ne la finisse pas.

Et pourtant, je me suis laissée entraîner dans cette intrigue loufoque, où l’on ne sait plus bien finalement qui se moque de qui, si l’auteur se moque de ses protagonistes ou si les protagonistes se moquent de l’auteur, qui ne fait qu’aligner les coïncidences improbables au fil des pages. Comme l’a si bien dit Simon Herzog: « Je crois que je suis coincé dans un putain de roman ».

Et quel roman! Une plongée dans le monde intellectuel des années 80, manifestement regretté par un Laurent Binet qui nous explique qu’à cette époque, être prof à l’ENS de 1948 à 1980, c’est avoir parmi ses élèves et/ou collègues Derrida, Foucault, Debray, Balibar, Lacan (et BHL mais, lui on a bien compris qu’il était le pire dindon de cette farce).

Le prétexte pour explorer les recoins dissimulés de cette élite intellectuelle (et élite du pouvoir puisque Giscard et Mitterrand, avec tous leurs copains sont aussi de la partie)? Une enquête sur la mort de Roland Barthes, le sémiologue qui aurait découvert la fonction « performative » du langage. Rassurez-vous, pas besoin d’être linguiste ou sémiologue pour comprendre, finalement, c’est assez simple, et on a suffisamment de textes, conférences et exposés dans le récit pour comprendre de quoi il s’agit.

Un commissaire de droite, ancien combattant bourru ayant une opinion relativement basse des intellectuels de gauche, engage contre son gré un sémiologue qui fait des cours sur les signes dans James Bond pour l’aider dans son enquête et être son guide dans cette jungle intellectuelle. Et c’est parti, d’aventure en aventure, nos deux compères croisent tout ce que la France, l’Italie et les Etats-Unis comptent d’intellectuels ayant un intérêt pour le langage, tandis que Giscard fulmine, que Mitterrand prépare sa campagne, et qu’une société secrète de rhétorique continue ses réunions rituelles (on y viendra).

Ce qui m’a finalement complètement absorbée, plus que la vitesse à laquelle se succèdent les évènements, c’est l’ironie de l’auteur, l’ironie des personnages, les petites piques lancées avec finesse sur tout ce petit gratin. Et ce jeu auteur-personnage qui nous conduit finalement à ne plus trop savoir qui nous parle. On s’y perd un peu, mais qu’est-ce que c’est bien!


Résumé de l’éditeur :

« A Bologne, il couche avec Bianca dans un amphithéâtre du XVIIe et il échappe à un attentat à la bombe. Ici, il manque de se faire poignarder dans une bibliothèque de nuit par un philosophe du langage et il assiste à une scène de levrette plus ou moins mythologique sur une photocopieuse. Il a rencontré Giscard à l’Elysée, a croisé Foucault dans un sauna gay, a participé à une poursuite en voiture à l’issue de laquelle il a échappé à une tentative d’assassinat, a vu un homme en tuer un autre avec un parapluie empoisonné, a découvert une société secrète où on coupe les doigts des perdants, a traversé l’Atlantique pour récupérer un mystérieux document. Il a vécu en quelques mois plus d’événements extraordinaires qu’il aurait pensé en vivre durant toute sa vie. Simon sait reconnaître du romanesque quand il en rencontre. Il repense aux surnuméraires d’Umberto Eco. Il tire sur le joint. »

Le point de départ de ce roman est la mort de Roland Barthes, renversé par une camionnette de blanchisserie le 25 février 1980. L’hypothèse est qu’il s’agit d’un assassinat. Dans les milieux intellectuels et politiques de l’époque, tout le monde est suspect…


L’intuition est un concept commode, comme Dieu, pour se dispenser d’explications. On ne « sent » rien du tout. On voit, on entend, on calcule et on décode. Intelligence-réflexe.

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