
Son frère sauvagement assassiné à Dallas, Robert Kennedy n’a qu’une certitude : son tour viendra, ils ne le laisseront pas impunément revendiquer l’héritage Kennedy. Malgré tout, il continue à s’élever vers les hautes sphères de la politique, en devenant sénateur puis candidat à l’élection présidentielle de 1968. Il prend des positions d’extrême gauche, défendant les minorités et les pauvres, dans une volonté de se démarquer de son héritage de riche aristocrate irlandais, héritier d’une fortune constituée avec l’aide des parrains de la mafia par son père, Joe. Robert Kennedy ne dépassera jamais les primaires, il sera assassiné avant, probablement par les mêmes acteurs de l’ombre ayant commandité l’assassinat de son frère avant lui. Le narrateur, Marc O’Dugain, spécialiste de l’histoire contemporaine et plus particulièrement de la dynastie Kennedy, reconstitue les faits, dans le détail, pour identifier les corrélations possibles de l’Histoire avec sa propre histoire tragique, la mort suspecte à un an d’intervalle de ses deux parents. La police ayant conclu à des suicides, l’enquête n’est jamais allée plus loin. Le fils reste pourtant persuadé qu’il ne s’agit pas d’actes désespérés, mais bel et bien d’un double meurtre fomenté par la CIA pour quelque raison politique obscure. Et il n’aura de cesse que de démontrer la véracité de sa théorie…
Dit comme ça, avouez que le synopsis donne envie! Rien que le titre, Ils vont tuer Robert Kennedy, promet du suspense, du dramatique, des machinations machiavéliques, un véritable cocktail explosif parfait pour nous tenir en haleine pendant toute la nuit. Et pourtant, mes yeux ont souvent parcouru la page sans accrocher les mots, glissé sur les phrases sans s’en imprégner, et j’ai dû revenir encore et encore sur des passages où rien n’avait su capter mon intérêt. Malgré le sujet du livre, le quadruple meurtre dramatique d’un président, d’un sénateur, et d’un couple proche du MI6, le style manque de piquant, le suspense est diffus, distillé par petites touches, perdu au milieu de longues phrases descriptives et d’une profusion d’informations sur la vie et les pensées des uns et des autres. L’exposé est tellement détaillé et tellement long, qu’arrivé au passage décrivant la mort de RFK, le lecteur a déjà compris la théorie du narrateur sur les raisons de la mort de ses parents – je n’en dirais pas plus, mais ça n’a clairement pas été une surprise.
Marc Dugain nous livre tout au long de son récit ses réflexions sur bon nombre de sujets, de la philosophie à la politique, en passant par les drogues et la paranoïa. Il pose un regard impitoyable sur la société américaine de l’époque, l’acte manqué de John F. Kennedy, jeune président porteur d’un nouvel espoir mort-né et la révolution pacifiste des années 70, décimée par sa dépendance à la drogue. Rien ne résiste à sa plume sans pitié : les Bush y passent, Trump aussi, la dynastie des Kennedy est discréditée jusqu’à son dernier représentant, et tous les services secrets de la planète sont présentés comme des organisations égoïstes, centrées uniquement sur leurs propres intérêts et assassinant à la pelle quiconque sort du chemin qu’ils ont établi. La société en générale est considérée de manière totalement négative, de par son incapacité à évoluer, son consumérisme notoire, ses inégalités aberrantes n’autorisant que les riches à parvenir jusque dans les hautes sphères du pouvoir. On comprend aisément pourquoi l’auteur considère que la vie n’a aucun sens – voir la citation ci-dessous.
Dans l’ensemble, c’est un livre très informatif, on en apprend beaucoup sur les Kennedy, leurs meurtres respectifs et l’histoire récente de notre société. L’intrigue entourant cet exposé historique laisse pourtant à désirer : très prometteuse à la lecture de la quatrième de couverture, elle déçoit au bout des cent premières pages. Le style descriptif et documentaire dessert le côté résolument policier de cet enquête au cœur de l’Histoire et ruine d’autant plus l’enquête « classique » menée par le narrateur sur le meurtre de ses parents. On va au bout, parce qu’on a envie de savoir, on veut se coucher moins bête et savoir comment Robert Kennedy est mort, et pourtant, on pourrait s’arrêter à la trois centième page, on n’a compris la théorie et la suspicion de paranoïa n’apporte rien au roman à ce stade. Lecture mitigée.
Un professeur d’histoire contemporaine de l’université de Colombie-Britannique est persuadé que la mort successive de ses deux parents en 1967 et 1968 est liée à l’assassinat de Robert Kennedy. Le roman déroule en parallèle l’enquête sur son père, psychiatre renommé, spécialiste de l’hypnose, qui a quitté précipitamment la France avec sa mère à la fin des années quarante pour rejoindre le Canada et le parcours de Robert Kennedy. Celui-ci s’enfonce dans la dépression après l’assassinat de son frère John, avant de se décider à reprendre le flambeau familial pour l’élection présidentielle de 1968, sachant que cela le conduit à une mort inévitable. Ces deux histoires intimement liées sont prétexte à revisiter l’histoire des États-Unis des années soixante. Contre-culture et violence politique dominent cette période pourtant porteuse d’espoir pour une génération dont on comprend comment et par qui elle a été sacrifiée. Après La malédiction d’Edgar et Avenue des Géants, Marc Dugain revient avec ce roman ambitieux à ses sujets de prédilection où se côtoient psychose paranoïaque et besoin irrépressible de vérité.
Le sens de l’existence lui fait profondément défaut. S’il avait poussé l’honnêteté vis-à-vis de lui-même à son comble, il aurait tout plaqué, laissé derrière lui cet héritage maudit, tout cet argent sale qui a fait de lui cet aristocrate irlandais désabusé, il se serait détaché de cette vie matérielle, objet de souffrances infinies, il se serait retiré de ce monde qui doit sa violence à son matérialisme acharné et où il n’est question pour chacun que d’augmenter sa part d’un gâteau supposé croître indéfiniment. L’absurdité du monde le torture, mais pas assez pour qu’il en tire des enseignements définitifs, il veut continuer à briller dans un système de valeurs qui le ronge de l’intérieur. Il s’efforce d’emprunter à Camus que cette absurdité et cette absence flagrante de sens de l’existence ne sont la fin de rien, mais le début d’une expérience fondée sur la foi dans l’action définie au plus près de soi.
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