
Quand on pense à Mai 68, on voit des étudiants enragés, des inscriptions dégoulinantes sur les murs, des vols de pavés, des affrontements avec les CRS. Mais que s’est-il passé dans l’intimité des immeubles parisiens, dans les institutions traditionnelles, dans les milieux conservateurs ? Que s’est-il passé dans les palaces parisiens ? Pauline Dreyfus nous livre une version cocasse des événements, où le personnel du Meurice a pris le contrôle de l’hôtel, laissant le pauvre directeur à la merci de son transistor et des nouvelles alarmantes venues de l’extérieur. Au Meurice, la révolution est feutrée, le service continue, on est bien loin des usines où les salariés jouent aux cartes au lieu de travailler. D’un commun accord, le personnel vote même une motion pour maintenir le déjeuner organisé par Florence Gould, Meuriciade exceptionnelle où elle remet un chèque de 5 000 francs à un heureux romancier méconnu. En 1968, le Prix Roger-Nimier a bel et bien lieu malgré les troubles, en l’honneur d’un auteur qui verra bien d’autres prix, et en présence d’illustres personnages, parmi lesquels Salvador Dalí et son épouse.
Sacrée histoire que ce déjeuner des barricades ! Chaque personnage est plus loufoque, humain, amusant et sincère que le suivant, chaque rebondissement plus attendu, surprenant, hilarant et burlesque que le prochain. C’est décidément une journée bien incroyable pour le personnel et les clients du Meurice. De scènes de carnage en rendez-vous secrets dans les caves, d’entrevues amoureuses contrariées en risques de décès impromptus, nos personnages ne s’ennuient pas et nous non plus !
Il y a un vieux proverbe talmudique qui dit : « Ne pas dormir rend fatigué, ne pas rêver rend mort. » C’est seulement aujourd’hui que j’en ai compris le sens. Réfléchissez-y. Ne pas rêver rend mort.
Au beau milieu d’une rentrée littéraire où la Seconde Guerre Mondiale triomphe, ce récit distrayant est une parenthèse bienvenue. Chaque page nous entraîne dans le luxe, la volupté et l’amusement, c’est un véritable délice. L’ancien monde affronte le nouveau, les hommes et les femmes de l’ombre prennent le pouvoir sur les milliardaires toujours sur le devant de la scène, certains se cachent et se barricadent tandis que d’autres s’extasient de cette révolution de la jeunesse. Les traits d’humour cachent des réflexions pour le moins instructives, bien pensées et pertinentes, auxquelles le contexte donne tout leur sens.
Une très belle découverte pour moi que cette auteure à la plume aiguisée, qui manie aussi bien l’ironie que la philosophie, et qui sait donner à son récit un cadre aussi vivant. Un livre à ne pas manquer, surtout pour les amateurs de littérature !
Mai 68 : tous les cocktails ne sont pas Molotov. À quelques centaines de mètres de la Sorbonne où les étudiants font la révolution, l’hôtel Meurice est occupé par son personnel. Le plus fameux prix littéraire du printemps, le prix Roger-Nimier, pourra-t-il être remis à son lauréat, un romancier inconnu de vingt-deux ans ?
Sous la houlette altière et légèrement alcoolisée de la milliardaire Florence Gould, qui finance le prix, nous nous faufilons parmi les membres du jury, Paul Morand, Jacques Chardonne, Bernard Frank et tant d’autres célébrités de l’époque, comme Salvador Dalí et J. Paul Getty. Dans cette satire des vanités bien parisiennes passe le personnage émouvant d’un vieux notaire de province qui promène son ombre mélancolique entre le tintement des verres de champagne et les réclamations de « rendre le pouvoir à la base ». Une folle journée où le tragique se mêle à la frivolité.
Il est de si méchante humeur qu’il houspille pour un rien le jeune marmiton qu’il avait giflé un peu plus tôt. Lequel finit, exaspéré, par dénouer son tablier et annoncer à la cantonade qu’il ne passera pas une minute de plus dans cette boîte de tortionnaires. – Tu veux démissionner ? rétorque le chef de cuisine avec une ironie méchante. Très bien, mais je te rappelle que nous n’avons plus de directeur. Il n’y a plus personne pour l’accepter, ta démission. Personne n’avait songé que l’autogestion rendait autant prisonnier que libre.
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