Quand Dieu apprenait le dessin - Editions Grasset et Fasquelle - Janvier 2018 - the unamed bookshelf

Commerçant vénitien réputé, Rustico arpente le continent européen d’est en ouest pour vendre aux « barbares » francs ses épices, soieries et esclaves. Chaque périple amène son lot de surprises, une rencontre avec Louis le Pieux, fils de Charlemagne, le sauvetage d’un moine en passe d’être pendu, ou encore la menace d’être ébouillanté vif. Dans une Europe acquise au christianisme et aux superstitions, il est aisé de vendre n’importe quoi à n’importe qui, sous couvert de sainteté. De retour à Venise, Rustico est mandaté, avec le tribun Marino Bon, pour aller « récupérer » la momie de Saint Marc à Alexandrie : avoir un saint patron digne de ce nom est le seul moyen pour Venise de s’émanciper de Rome une bonne fois pour toutes. Le périple reprend, vers le sud cette fois, où les hommes sont certes plus instruits et plus raffinés, mais où la religion et la violence restent toutes puissantes.

« Comme c’est vilain, dit Thodoald.
– Silence ! commande Rustico. Un peu de respect pour le coude de sainte Werentrude que les parents de cette enfant ont mise à la broche !
– Elle n’avait qu’à se convertir à l’islam, dit Thodoald. Elle serait morte de vieillesse.
– Sûrement, mais elle ne serait pas sainte.
– Je sais : il faut choisir… »

Le Moyen-Âge est rarement le sujet de prédilection des écrivains, ce qui semble compréhensible quand on réalise ici le barbarisme de nos ancêtres francs, incapables de capitaliser sur les progrès apportés par l’Empire romain… Et pourtant, ce siècle offre ici à Patrick Rambaud une source inépuisable d’anecdotes improbables et hilarantes. Tous les personnages y passent, toutes les coutumes et surtout, toutes les légendes fantasques revendiquées par la religion. Ah, des reliques, on en voit passer, toutes plus saintes les unes que les autres, et pourtant…

Patrick Rambaud s’attaque sans pitié à la dévotion chrétienne extrême des hommes de l’époque, leur aveuglement et leurs superstitions manipulées sans vergogne par le clergé. Même le roi des francs, Louis le Pieux, « pratique la sainteté » et utilise les croyances populaires pour se débarrasser des gêneurs. D’aventures loufoques en faux miracles plus ou moins habilement orchestrés, nous voyageons de Mayence à Alexandrie, hallucinés par les mœurs de l’époque, amusés par les répliques grotesques des personnages principaux et presque choqués par la facilité avec laquelle les uns et les autres se font manipuler par nos marchands vénitiens.

Même pas besoin d’être passionné d’histoire pour apprécier cette satire savoureuse proposée par Patrick Rambaud – le récit romancé permet à chacun de se prendre au jeu de cette aventure rocambolesque. A savourer sans modération !


Résumé de l’éditeur :

Au début du IXe  siècle, «  nous étions à l’âge des ténèbres. Le palais des doges n’avait pas encore remplacé la lourde forteresse où s’enfermaient les ducs. Les Vénitiens étaient ce peuple de marchands réfugiés dans les lagunes, pour se protéger des barbares. Ils ne voulaient pas affronter des ennemis mais cherchaient des clients  : aux uns, ils vendaient des esclaves, aux autres du poivre ou de la soie. Leur force, c’étaient les bateaux – dans une Europe encore aux mains des évêques et des Papes.  »
Venise la récalcitrante excite les convoitises et s’exaspère du pouvoir de Rome. Le 31 janvier 828, le doge de Rialto envoie deux tribuns en mission à Alexandrie pour ramener par tous les moyens la dépouille momifiée de saint Marc… Sous la protection d’un évangéliste de cette renommée, Venise pourra traiter d’égale à égale avec Rome et fonder ainsi une république de mille ans… Le roman d’une époque méconnue, racontée avec brio et ironie par Patrick Rambaud.


« Les croyances, toutes les espèces de croyances génèrent le désordre. Si tu crois, tu veux persuader ceux qui ne croient pas aux même choses que toi, tu t’imposes, tu légifères, tu ordonnes. Tous nos malheurs viennent de ces conflits lamentables et diaboliques. Ouvre les yeux, regarde autour, souviens-toi de ton périple vers Mayence, souviens-toi de Théodore, des amusements de Soulaymâne que seule retient sa sagesse mais jusqu’à quand? Les religions sont les manufactures où se fabriquent des monstres. Elles provoquent acharnement, délation, haine, meurtre, mépris, interdictions, rigidité, extermination, hécatombes, perversité, illusion, enfantillages…Quelle confusion !
– Arrête de parler, Marino, tu te fatigues en vain. »

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