
Thomas est drôle, beau garçon, littéraire. Il fait rire les femmes, brille en société, rayonne dans la foule. Pourtant Thomas échoue, année après année, il rate ses concours, rate les postes les plus prestigieux, rate ses relations amoureuses. Thomas est un être unique et attachant, ami intime de Catherine Cusset, qui brosse ici le portrait de sa vie en quelques coups de plume délicats.
Quand tu penses à ce qui t’arrive, tu as l’impression de te retrouver en plein David Lynch. Blue Velvet, Twin Peaks, Mulholland Drive. Une ville universitaire, une université publique, le cadavre d’un garçon de vingt ans, la drogue, la police, une ravissante étudiante, une histoire d’amour entre elle et son professeur presque deux fois plus âgé : il y a toute la matière pour un roman ou un scénario formidable.
Ce n’est pas un film. C’est ta vie.
Dès le premier chapitre, c’est le tutoiement, ce « tu » laissant présager que ce n’est pas un livre comme les autres. Ce « tu » intime et nu, émotionnel et direct, ce « tu » sans pincettes et plein d’amour. Dès le début, l’hommage est annoncé, la fin est tragique, aucun doute n’est permis, mais le ton est joyeux, vivace, vivant, enthousiasmant. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le personnage principal se retourne d’une pirouette après chaque déboire, prend un avion, change de copine, avale un verre et repart pour de nouvelles aventures.
Comment ne pas aimer Thomas quand il nous est décrit avec tant de familiarité, à travers les yeux mêmes de sa meilleure amie? Cherchant à s’approcher au plus près de lui, Catherine Cusset n’hésite pas à se critiquer elle-même, à regarder son travail et sa vie avec le regard extérieur de cet ami auquel elle croyait tant. A travers elle, à travers leur histoire commune, on s’attache à ce personnage fou, amateur de joies simples et de rebondissements, de voyages et d’amour. Doucement, avec des phrases courtes qui vont droit au cœur, des phrases au ton de confidence, l’auteure fait de nous l’ami de Thomas, un soutien, un ennemi parfois, et un point fixe dans l’univers, toujours.
J’ai été particulièrement touchée par ce roman, par son message d’optimisme et d’anticonformisme, par cet éloge de l’individualité, de l’extravagance, de la vie même. Mais aussi par son thème, cette façon si belle d’évoquer la personne avant la maladie, de valoriser l’homme plutôt que ses déficiences. Les maladies mentales sont difficiles à vivre et à raconter, pour ceux qui en souffrent de l’extérieur, et j’ai trouvé que Catherine Cusset avait très bien réussi cet exercice, avec humanité et totale compréhension.
C’est un bel hommage que celui-ci, triste et joyeux, émouvant et juste.
«J’ai eu le temps de me rendre compte qu’il n’y avait aucun ami que j’aimais davantage, personne qui me fasse sentir plus vivante, et que cela était dû à quelque chose d’exceptionnel en toi qui t’illuminait.
Le rire.»
L’autre qu’on adorait fait revivre Thomas, un homme d’une vitalité exubérante, qui fut l’amant puis le proche ami de la narratrice. Brillant, charmeur, ce passionné de Proust et de cinéma vit ses amours, ses rêves et ses déceptions toujours plus intensément que les autres. Quelle malédiction a pu le conduire, d’abord en France puis dans l’impitoyable cercle universitaire américain, à enchaîner les maladresses et les échecs jusqu’à anéantir tout espoir d’avenir?
Peu importent la pression du marché du travail, la nécessité de terminer ta thèse et de trouver un poste. Simples formalités par lesquelles il faudra passer. La vie est ailleurs : dans cette amitié de garçons joyeuse et affectueuse ; dans ces instants de vie intérieure volés au temps que Joyce appelle des épiphanies. Tu t’installeras le moins possible. Tu aimes par-dessus tout la condition de touriste et d’ami. Tu seras le braconnier du temps, le voyageur de Baudelaire au coeur léger semblable à un ballon, celui dont le désir a la forme des nuées.
Plus d’informations et de citations sur Babelio.
Ah Catherine Cusset ! 😀 J’ai lu il y a peu « Vie de David Hockney » que j’ai beaucoup aimé (brève en cours à paraître sur mon blog). Je note donc celui-ci aussi ! 😉
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J’ai bien envie de lire la « Vie de David Hockney » aussi, je regarderais ton avis 🙂 d’avoir entendu Catherine Cusset en parler, ça donne envie de la lire !
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