🏆Prix Françoise Sagan 2014
Ce n’est pas parce qu’on est célèbre, talentueuse et encensée par la critique que tout va bien, qu’il n’y a pas des zones d’ombres dans notre vie et notre passé. Quand Lou rencontre Caroline N. Spacek, ce qu’il imagine est loin d’être la réalité. De confidences en aveux difficiles, Lou entrevoit la difficulté d’être écrivain, d’avoir cette lucidité de soi-même et des autres qui permet d’écrire des livres. Entre roman d’apprentissage et analyse profonde de la création littéraire, Buvard est une quête de soi, l’introspection d’une autre qui nous pousse à la réflexion.
J’ai beaucoup aimé le style de Julia Kerninon : elle arrive à ménager le suspense, tout en trouvant les mots justes pour rendre les confidences de Caroline N. Spacek tragiques, drôles, poignantes et surtout – inattendues. Les maris, les morts, les divorces, les voyages incessants, ou la fascination subite pour la peinture, le cercueil dans le jardin – et le narrateur qui ne fait que s’interroger sur le nombre de tartes aux fruits qu’il a pu manger depuis qu’il était arrivé sans savoir que sous l’arbre repose le défunt mari…
Elle posait les pieds bien à plat quand elle marchait, comme une danseuse -mais ce n’était pas une danseuse. C’était une très grande femme habituée à être saoule, qui avait délibérément appris à marcher de la meilleure façon pour ne pas tomber.
Le personnage en lui-même est simplement fascinant. Stéréotype de l’écrivain torturé plongé dans l’abus de cigarettes et d’alcool, avec un goût prononcé pour la fuite, et des caprices désordonnés, Caroline N. Spacek est pourtant beaucoup plus que ça. Son humanité, ses failles la rend proche de nous, on a le sentiment qu’elle pourrait être chacune d’entre nous, on se reconnait dans son personnage – pourtant si singulier avec ses manies, ses passe-temps, ses petites habitudes et ses coups de tête. Elle intrigue, séduit, fascine : dès la toute première page, qu’elle se transforme au cours de la journée, jeune et fraîche le matin, vieille et vénérable le soir.
Tu sais, en fait, je déteste voyager. J’aime simplement être loin. Si j’ai tellement bougé, c’était d’abord parce que je ne pouvais pas -je ne savais pas- rester. Je n’avais pas d’endroit où rester. Quand tu sais que quoi que tu fasses, tu seras une cible, tu préfères être une cible mouvante.
On oublie presque qu’il y a un second personnage dans cette maison, qui nous retranscrit l’histoire qu’elle lui a raconté. Julia Kerninon a réussi à trouver un équilibre entre eux : elle en dit suffisamment sur Lou pour justifier sa présence et sa persévérance, tout en s’assurant que son histoire à lui n’empiète pas sur l’histoire de Caroline. Ce qui m’a le plus touchée, plus que l’histoire en elle-même, c’est la justesse des mots avec lesquels elle est racontée – certains passages m’ont véritablement bouleversée.
Un jeune homme réussit à forcer la porte d’une romancière célèbre, Caroline N. Spacek, réfugiée en solitaire dans la campagne anglaise depuis plusieurs années. Très jeune, elle a connu une gloire littéraire rapide et scandaleuse, après une enfance marquée par la violence et la marge. Il finit par s’installer chez elle et recueillir le récit de sa vie. Premier roman d’une auteure âgée de 25 ans.
Chez nous, si un enfant demandait un animal domestique, on lui filait un kiwi- il y avait un père qui avait eu cette idée un jour et ça avait fait marrer tout le monde dans la prairie, alors chaque saison nous étions systématiquement une poignée à nous balader avec notre kiwi dans la poche, terrifiés quand il devenait mou et collant et commençait à sentir la mort, parce qu’on savait comment les parents, pour entretenir la blague, se faisaient un devoir de coller une beigne au premier gamin qui aurait laissé mourir son kiwi. On avait bien tenté de se renseigner après les premiers décès, et on avait dépêché un des petits pour demander à l’institutrice si les kiwis étaient bien des animaux, mais ça n’avait pas aidé du tout puisqu’elle nous avait dit oui et que c’était des oiseaux. Tout ce qu’on gagné à poser des questions ça avait été de croire pendant encore longtemps que nos kiwis étaient des genres d’œufs, et qu’on devait vraiment rater quelque chose puisqu’en dépit de toutes les petites caresses de nos doigts sur leur surface velue, les secrets qu’on leur confiait, les jolis noms qu’on leur donnait, ils n’écloraient jamais. Ces foutus kiwis qui étaient simplement des fruits.
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J’avais lu de bons avis à sa sortie. Ce qui m’a donné en ie de lire Le dernier amour d’Attila Kiss. Pas mal
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