Les Déraisons - Odile d'Oultremont - Editions de l'Observatoire - Prix Closerie des Lilas 2018 - 68 premières fois

📖68 Premières Fois – Hiver 2018

🏆Prix de la Closerie des Lilas 2018

Adrien était un homme simple et sans éclat, traversant la vie sans une éclaboussure, faisant toujours précisément ce que l’on attendait de lui. Puis il a rencontré Louise, par hasard, un beau hasard qui lui a fait entrevoir la possibilité d’une vie différente, où le renversement des codes et de la bienséance fait loi, où l’imaginaire et le créatif triomphent, où l’optimisme est maître mot. Quand le cancer de Louise se déclare, alors que son entreprise vient de le mettre au placard, le monde d’Adrien s’écroule et rebat les cartes de sa vie rangée. A quoi bon continuer à suivre les règles comme les autres quand on sait l’être aimé condamné ?

Aux côtés de Louise, il avait appris à pousser sur des boutons inédits, maîtrisait à présent un clavier neuf dont il avait remplacé les touches les unes après les autres. Des fonctions inattendues étaient même apparues. La possibilité de la créativité, c’était un peu son innovation technologique, initiée par une Louise Gates aux commandes pour l’encourager à revoir son parc inventif. Par son entremise, Adrien avait appris à rêver.

La scène s’ouvre au tribunal : Adrien est jugé pour avoir déserté son travail pendant trois cent soixante-cinq jours, une année entière, pendant laquelle il a soutenu son épouse dans son combat contre le cancer. Alors, innocent ou coupable ? Peut-on condamner un homme récemment veuf ? Peut-on lui reprocher d’avoir préféré soutenir sa femme dans ses derniers instants plutôt que de se rendre à un travail où personne ne se souciait de sa présence? Formidable procédé romanesque que cette imbrication de l’histoire véritable au sein d’une autre histoire, dont le dénouement reste finalement anecdotique, mais qui permet d’aborder tous les détails de la situation inédite rencontrée par le personnage, même avec humour.

Pendant le procès, Adrien raconte : Louise et ses dents colorées, les journées en O, le chien appelé Le-Chat, les plats dessinés dans la cuisine, toutes les petites anecdotes d’une vie sublimée par l’imagination et la créativité de son épouse. Louise, femme fantasque qui n’a pas reculé devant le cancer, elle l’a laissée ronger son corps sans jamais lui permettre d’atteindre son coeur et son esprit, ces remèdes ultimes à l’absurdité de la vie. Elle flanche parfois, mais Adrien est là pour prendre le relai, pour faire vivre sa femme à travers son imagination à lui, à travers ses créations et ses improvisations.

Et si Louise n’avait été séduite pas rien chez lui? Peut-être l’a-t-elle aimé pour une raison que si trouve n’en être aucune. Juste parce que l’aimer, c’était pile l’endroit où se trouver, le point entouré sur la carte de Louise, le millimètre carré où s’enfonce la fléchette lancée sur la cible. Ou peut-être l’a-t-elle aimé instinctivement. Sans hiérarchie de pourquoi ou de parce que. À l’animale. On se flaire sans réaliser que, déjà, la chimie opère. La matière de l’un reconnaît celle de l’autre, elles se conviennent à tel point qu’elles veulent fusionner instantanément, lobant par ce système primitif toute forme de réflexion. Ta gueule! Tu penseras plus tard. À l’instant précis du coup de foudre, la dopamine, l’ocytocine, l’adrénaline et la vasopressine insultent copieusement le cerveau.

C’est avec un style chantant, décalé et poétique que l’auteur nous dépeint la vie commune de deux personnages touchants et attachants de sincérité, leurs épreuves et leurs choix. Odile d’Oultremont livre un récit magnifiquement bien écrit, une sorte d’allégorie aux accents de L’Ecume des jours, une leçon de vie déguisée, une recette pour positiver et aller de l’avant. Les Déraisons, c’est l’histoire d’un amour incroyable et inédit, l’histoire d’une enfant dont l’imagination débordante lui a permis de triompher de son terrible héritage familial, l’histoire d’un homme prêt à tout pour permettre à sa femme de survivre à sa propre mort : une véritable ode à la vie, un coup de cœur.


Résumé de l’éditeur :

La vie d’Adrien et de Louise est un chaos enchanteur. Méritant et réservé, il travaille pour assurer leur quotidien.

Ouvrière qualifiée de l’imaginaire, elle désaxe la réalité pour illuminer leur ordinaire.

Leur équilibre amoureux est bouleversé le jour où l’agenda stratégique de l’employeur d’Adrien coïncide avec la découverte de tumeurs dans les poumons de sa femme.

Pendant que les médecins mettent en place un protocole que Louise s’amuse à triturer dans tous les sens, l’employé modèle est exilé par un plan social aux confins d’un couloir. Sidéré, Adrien choisit pour la première fois de désobéir : il déserte son bureau vide pour se dévouer tout entier à Louise, qui, jour après jour, perd de l’altitude.

Mais peut-on vraiment larguer les amarres et disparaître ainsi sans prévenir ?

Et les frasques les plus poétiques peuvent-elles tromper la mélancolie, la maladie et finalement la mort ?


– A ce jour, on recense 8,7 millions d’espèces sur Terre, de type microbien, animal ou végétal. Ce recensement est, vous l’imaginez bien, variable selon les progrès de la recherche : on est à tout moment susceptible de découvrir qu’en réalisé il y en a beaucoup plus. Je travaille depuis vingt ans à observer les animaux, je tente de comprendre leurs comportements pour les anticiper au mieux. Cela, vous l’aurez compris, dans le but de les protéger. Les dangers, les accidents, les maladies sont certes des évènements qui régulent l’équilibre, et ils sont la plupart du temps paradoxalement la meilleure réponse à la survie des espèces : elles demeurent parce qu’elles meurent. Ca marche pour les antilopes, les poissons-chats, les cigognes. Mais ça n’a pas le moindre sens pour vous. Car vous êtes, Louise Olinger, la seule espère au monde qui n’a qu’un seul représentant, vous. Si vous disparaissez, toutes les classes de votre famille s’éteindront dans le même souffle. Et le vide laissé serait abyssal, rien n’y résisterait, ni la faune, ni la flore, ni même l’humanité. Les prés que vous butiniez dépériraient de ne plus fleurir, la savane se consumerait de ne plus vous sentir la courir, les vastes plaines de la pampa se languiraient de vos sabots sur leurs terres fertiles, les eaux glacées de l’Antarctique ne survivraient pas à votre déperdition, si minuscule étiez-vous. Ce que je vais vous dire là, je ne l’ai dit ni aux élans, ni aux rennes, ni aux lions de Tanzanie, ni aux baleines siamoises : vous n’avez pas d’autre choix, madame Olinger, que de survivre. A votre cancer, A votre mère, à votre père. A votre histoire.

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