
📖68 Premières Fois – Hiver 2018
A soixante ans, Antoine renoue avec son père, un homme difficile et mal aimant avec qui grandir n’a pas été une partie de plaisir. Malgré lui, Antoine se surprend à s’inquiéter de son bien-être, à lui rendre visite régulièrement, à accéder à ses caprices étranges de vieillard solitaire. Chaque vendredi, il lui lit son courrier et ses brochures publicitaires, jusqu’au jour où son père lui reproche d’être un mauvais fils pour ne jamais lui avoir appris à lire. Surpris, vexé et même réfractaire à cette idée, Antoine finira pourtant par mettre la main à la pâte et essayer de combler les lacunes du vieux Sarde n’ayant jamais eu la chance d’aller à l’école. C’est en admettant son manque de pédagogie qu’il fait rentrer dans leur vie Ron, instituteur et prostitué pour arrondir ses fins de mois, celui qui parviendra à faire lire le vieux, et à briser définitivement la glace entre les deux hommes.
99% de la population est alphabétisée, mon père fait partie de cette infime portion de gens qui n’ont jamais été scolarisées. J’ai mis longtemps à le comprendre, mais il vivait ce handicap comme une réelle douleur-secrète, fourbe et lancinante, maudissant en silence son propre père qui lui avait interdit l’entrée à l’école sans mesurer les dégâts que cela causerait chez lui. J’ai sous-estimé la satisfaction qu’il éprouvait d’avoir pu apprendre les rudiments de la lecture et de l’écriture. Qu’était-il allé chercher dans cet improbable apprentissage ? Un peu de dignité, sans doute, lui qui n’aurait peut-être jamais l’occasion d’exercer ses nouveaux talents en public. Ou, comme il me l’avait confié à moitié en riant, un bagage pour l’au-delà où il ne voulait pas arriver sans savoir écrire son nom.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été à l’école. J’ai appris à lire à l’âge de cinq ans, guidée par mes parents et ma maîtresse, encouragée et félicitée. Je considère ma capacité à lire et écrire comme quelque chose d’acquis, une base immuable sans laquelle je ne serais pas moi-même. Avant cette lecture, je ne m’étais jamais vraiment demandé ce que les analphabètes pouvaient ressentir dans notre monde où l’écrit est si souvent utilisé. Ici, Sébastien Ministru brise la glace, il nous confronte à cette réalité, certes de plus en plus rare mais toujours existante. Il associe la dignité d’un homme à sa capacité à lire et à écrire, cette capacité que nous prenons pour acquise alors qu’elle a été refusée à certains d’entre nous.
A travers un roman filial, réaliste et sincère, Sébastien Ministru explore les relations compliquées d’un père et son fils, le choc de deux générations, venues d’univers différents, chacun ayant grandi dans une réalité bien différente de l’autre. Un père analphabète, un fils journaliste. Et au milieu de ce duo mal assorti et pourtant attachant, le compagnon artiste à la fois secret et dévoué, puis l’amant d’un jour converti en instituteur-médiateur. Chacun trimbale ses casseroles, chacun trouve finalement du réconfort dans la présence des autres, une oreille attentive, un souci sincère, un échappatoire ponctuel. Cette combinaison étrange finit par permettre au père et son fils de (re)trouver, bon gré mal gré, pour quelques beaux moments.
Roman intime, profond et atypique, Apprendre à lire a été pour moi un véritable coup de coeur, l’occasion de réaliser la chance que nous avons d’avoir appris à lire et écrire.
Approchant de la soixantaine, Antoine, directeur de presse, se rapproche de son père, veuf immigré de Sardaigne voici bien longtemps, analphabète, acariâtre et rugueux. Le vieillard accepte le retour du fils à une condition : qu’il lui apprenne à lire. Désorienté, Antoine se sert du plus inattendu des intermédiaires : un jeune prostitué aussitôt bombardé professeur. S’institue entre ces hommes la plus étonnante des relations. Il y aura des cris, il y aura des joies, il y aura un voyage.
Le père, le fils, le prostitué. Un triangle sentimental qu’on n’avait jamais montré, tout de rage, de tendresse et d’humour. Un livre pour apprendre à se lire.
Au plus profond de moi, je pensais que mon père ne pouvait pas intéresser les livres. J’étais trop jeune et trop stupide pour ne pas voir qu’ils intéressaient pourtant mon père. Dans ce tête-à-tête forcé auquel ma mère nous avait abandonnés, j’avais remarqué, mais sans jamais m’y attarder, que mon père, lorsqu’il voyait un de mes bouquins traîner, le prenait, le feuilletait, le regardait comme une chose étrange et séduisante. Habitué à son caractère irascible et à sa mauvaise humeur, il ne m’était jamais venu à l’esprit de lui demander s’il voulait que je lui lise un passage des livres dont il touchait la couverture sans que je m’aperçoive de la douceur du geste.
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Très touchée par le thème, j’ai envie de lire ce livre qui nous désigne pour nous inviter à faire ce qu’il est encore temps de faire.
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