📖68 Premières Fois – Hiver 2018
Médecin à Montréal, Jacques Leboucher mène une vie simple : consultations, Netflix, dîner avec son compatriote Julien, auteur de romans à l’eau de rose. Seul son voyage mensuel à Grand Soleil trouble ce quotidien apathique : isolé au milieu du grand nord canadien, ce village difficile d’accès constitue un dépaysement total. Il pensait avoir dompté cette contrée hostile, mais c’était sans compter les surprises que peuvent réserver les confins du continent…
Ils sont légion les écrivains qui nous racontent des histoires. Ils nous bercent le soir pour que tout recommence, le lendemain matin. On les lit en se couchant pour remettre à zéro les compteurs, pour oublier sa journée et croire que l’avenir sera romanesque. La littérature sert à faire repartir la vie qui chancelle, comme lorsqu’il fait redémarrer un ordinateur devenu instable. En ce qui me concerne, j’ai une éthique qui m’interdit de faire croire que la vie est poétique. Je n’ai pas choisi de vivre les évènements qui me sont arrivés, ils m’ont été imposés. J’essaie d’en rendre compte avec précision, sans mystification, sans poudre aux yeux. Je ne fais pas de littérature.
Formidablement intelligent, cynique et drôle, ce livre est une pépite. Je l’ai reçu dans le cadre des 68 premières fois, avec une carte recommandant de prendre le temps de laisser cette lecture « infuser et distiller pour siroter encore longtemps cette belle langue » : un conseil avisé ! Non seulement le style est admirable mais le récit est truffé de références culturelles merveilleusement incorporées à la trame de l’histoire, des discrétions nécessaires qui donnent au roman tout son charme et donnent au lecteur une incroyable impression d’enrichissement personnel. L’intrigue ici n’est qu’un prétexte pour explorer notre monde d’aujourd’hui, ses principes absurdes et ses dérives. L’auteur explore l’âme humaine, ses réflexes animaux et ses nouvelles habitudes de consommateur capitaliste. Isolé des médias, nourri par la lecture et ses réflexions personnelles, le narrateur est sans pitié pour ses semblables, il les tourne en ridicule avec un humour délicieux, une ironie délicate. C’est un roman d’une richesse indéniable, comme on en trouve peu aujourd’hui. Par une procédé romanesque inhabituel, Jaques Baubil nous rend le narrateur sympathique, humain et vulnérable. Par une histoire fouillée et documentée, il nous rend possible l’impossible, il nous permet de nous projeter vers cette découverte incroyable et inattendue. Par sa plume incomparable et son génie littéraire, il mixe les genres, les styles d’écriture, il joue avec les mots et balade la langue pour notre plus grand plaisir. Un premier roman incomparable – j’attends déjà le prochain !
Un médecin de Montréal se rend tous les mois à Grand Soleil, un village perdu dans le Québec arctique. Docteur de l’âme autant que du corps, il y rencontre Cléophas, un patient particulier. Conservé par le froid qui a saisi cette partie du Canada, l’homme de Grand Soleil a vécu caché, il n’a rien écrit, rien accompli de notable et personne ne le connaît. Pourtant son apparition va tout bouleverser, sous le regard impuissant du médecin, témoin d’un monde qui se délite.
Avec une plume intelligente, incisive et souvent drôle, Jacques Gaubil dresse un portrait froid et parfois cruel de l’homme moderne, tout en proposant un récit bienveillant et chaleureux.
Il faut reconnaître que durant cette période de ma vie, je lisais autre chose que des romans policiers. Je croyais que le monde était intelligible alors je faisais des efforts pour comprendre. Je lisais des livres d’histoire, de philosophie, des essais. J’étais prédisposé car j’avais étudié les sciences, rien de tel pour croire que chaque chose a une explication. Certains de mes professeurs d’université étaient convaincus que tout deviendrait limpide dès que l’on aurait fini de modéliser le cerveau. Les pyramides, Napoléon, l’enfer de Dante, Auschwitz n’étaient que des expressions prédictibles de la chimie des synapses. Un de mes maîtres m’avait fait lire les Fondations d’Asimov, une demi-douzaine de tomes à propos d’un homme qui pouvait prédire l’avenir de façon mathématique, une sorte de Hegel aux stéroïdes. Et puis on m’a ouvert les yeux, la psychohistoire, la chimie des synapses, à la fournaise ! Finalement, je préfère encore Ananias, Azarias et Misael, ils sont périssables. Les seules thèses plus ou moins scientifiques qui me paraissent tenir un peu debout sont la théorie du chaos et la fin de l’histoire. S’il y a bien une vérité expérimentale, c’est que toutes nos histoires finissent dans le chaos.
Plus d’informations et de citations sur Babelio.
1 commentaire
Poster un commentaireRétroliens & Pings