La nuit introuvable, Gabrielle Tuloup, 68 premières fois Editions Philippe Rey

📖 68 Premières Fois – Hiver 2018

Marthe n’a jamais été une mère aimante pour son fils, Nathan. Depuis la mort du père, un fossé s’est creusé entre eux, émotionnel et géographique. Jusqu’au jour où, alors que Marthe se laisse emporter par son Alzheimer, sa voisine contacte Nathan pour qu’il vienne la voir, et qu’elle puisse lui remettre la première missive écrite par sa mère. Tandis que Marthe quitte la vie petit à petit, Nathan renaît, comprend enfin les absences, les manquements, la froideur de celle dont il n’a jamais connu l’amour maternel.

Son éditeur avait jugé son second manuscrit trop expéditif, les personnages n’étaient pas assez étoffés, il lui réclamait des pages en plus : « Donnez-leur du corps, bon sang, Weiss. Vous ne tenez pas vos promesses, votre lecteur reste sur sa faim! » Jacques, naturellement si mesuré, pestait tout seul à sa table : « Expéditif, tu parles ! Si on n’a plus le droit d’être pudique ! »

Citer les pages d’un livre pour expliciter son propre avis sur celui-ci peut sembler paradoxal, je préfère croire que c’est à propos. Il m’aura manqué des pages, de la profondeur, des péripéties. Je n’ai pas trouvé le suspense promis, je n’ai pas vu la tension dramatique entre le fils et sa mère, tout m’a semblé simple et évident – sauf le dénouement, j’en conviens. Le style est effectivement très beau, poétique et illustré, mais il n’aura pas suffi à me faire adhérer à l’histoire. Nathan renâcle pendant quelques pages à peine, mais rapidement, il renoue avec son enfance, il est même presque heureux d’aller rendre visite à sa mère. Est-ce que quarante ans de traumatisme filial peut se résoudre en quelques pages? J’en doute, et c’est ce doute qui est resté le fil conducteur de ma lecture, revenant à la charge à la moindre incohérence, au moindre écart avec la réalité la plus plausible, et ce jusqu’au dernier chapitre, me laissant décidément perplexe devant cette intrigue intéressante et pourtant bancale.


Résumé de l’éditeur :

Nathan Weiss vient d’avoir quarante ans lorsqu’il reçoit un appel d’une inconnue : sa mère Marthe souhaite le revoir en urgence. Cette mère, voilà quatre ans, depuis le décès de son père, qu’il s’efforce de l’oublier. Ce n’est pas un hasard s’il s’est expatrié jusqu’en Slovénie.

Il va pourtant obéir et revenir à Paris. Sa mère a changé : elle est atteinte d’Alzheimer et ne le reconnaît presque plus. Nathan apprend alors que Marthe a confié huit lettres à sa voisine, avec pour instruction de les lui remettre selon un calendrier précis. Il se sent manipulé par ce jeu qui va toutefois l’intriguer dès l’ouverture de la première lettre.

Ces textes d’une mère à son fils, d’une poignante sincérité, vont éclairer Nathan sur la jeunesse de Marthe, sur le couple qu’elle formait avec son mari Jacques, la difficulté qu’elle avait à aimer ce fils envers qui elle était si froide. Tandis qu’il découvre ce testament familial, Nathan se débat avec ses amours impossibles, sa solitude, ses fuites. Et si la résolution de ses propres empêchements de vivre se trouvait dans les lettres que Marthe a semées pour tenter de réparer le passé ?

Dans ce premier roman, d’une écriture sensible et poétique, Gabrielle Tuloup décrit l’émouvant chassé-croisé de deux êtres qui tentent de se retrouver avant que la nuit recouvre leur mémoire.


On n’a pas idée de ce que c’est qu’une chemise sans les épaules de l’homme qu’on aime. On n’a pas idée du monde infiniment plat et chiffonné, roulé en boule, qui reste quand l’autre déshabite la vie, quand son corps est soustrait aux étoffes et aux caresses. L’existence n’a plus d’odeur. On marche le ventre en creux, encore et encore. C’est raconté dans tous les livres mais Jacques, lui, n’avait jamais écrit ces lignes-là, et c’était lui que je croyais. On arrose quand même les fleurs une fois par semaine parce qu’elles n’y sont pour rien, et que le monde est assez fané comme ça. On boit son thé à la même heure et on attend. C’est le dernier effort dont on est capable, l’attente. Le vide glisse ses doigts entre chaque côte et serre. La douleur a des ongles et elle vous donne du corps. Elle vous raidit, c’est elle qui vous fait tenir debout. Et c’est elle qui plus tard sait quand peu à peu relâcher l’étreinte. Il fallait qu’elle tenaille pour qu’on n’oublie pas de respirer, mais le souffle parfois revient sans qu’on y pense. Le deuil est un sommeil, plus long que les autres. Le noir et blanc finit toujours par rendre l’âme, lui aussi.

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