Les garçons de l'été Rebecca Lighieri Emmanuelle Bayamack-Tam Folio livres Prix des libraires Folio

Les Chastaing constituent une famille parfaite en tous points : deux fils beaux comme des dieux, réussissant brillamment dans leurs études, une fillette surdouée, réalisant à onze ans des estampes japonaises, deux parents aux petits soins pour leur merveilleuse progéniture. Quand un requin-bouledogue dévore la jambe de Thadée, la façade impeccable de la famille Chastaing commence à se craqueler petit à petit, et finit, 413 pages plus loin, à terre, en morceaux épars et irréconciliables.

On pourrait m’objecter que personne ne mérite de mourir à vingt ans dans une forêt obscure, dans l’indifférence des goyaviers et des tamarins. Mais ce serait une objection parfaitement inepte car la plupart des gens méritent ce qui leur arrive, et la mort n’en est pas le pire. D’ailleurs, ils organisent leur propre mort de leur vivant. J’ai toujours pensé que les tueurs psychopathes dont on nous rebat les oreilles étaient les bienfaiteurs d’une humanité dont ils abrègent les souffrances et la vie absurde.

413 pages pour suivre la descente aux enfers d’une famille, une famille plutôt normale à première vue, une famille qui pourrait être celle de nos voisins. 413 pages pour rentrer dans la tête d’un psychopathe égocentrique et maladivement jaloux et découvrir les extrémités auxquelles les fous peuvent se résoudre. Mais finalement, qui est vraiment sain d’esprit dans cette histoire ? A part Zachée, plein de bienveillance et de bonté, homme parfait s’il en est, chacun finit par révéler sa violence cachée, son sadisme dissimulé. A chaque page, on s’enfonce de plus en plus dans l’atrocité banale, chacun y allant de sa petite action condamnable, voire de son crime gratuit.

L’histoire est finalement simple, et on est informé de la répartition des rôles dès le début : Zachée est la perfection incarnée, un homme désintéressé et naturellement bon, en plus d’avoir un corps de rêve, Thadée au contraire est un sadique psychopathe ayant toujours très bien caché son jeu, jusqu’à ce que la perte de sa jambe révèle sa vraie nature. Même les parents sont finalement assez simples à cerner, entre la caricature de la mère vouant un tel culte à son fils aîné qu’elle est incapable de regarder la vérité en face, et l’image classique du père qui s’invente une conscience après vingt ans de relation extra-conjugale. Les rôles sont distribués, le massacre peut commencer.

Alors, fascination morbide ou véritable appréciation du récit? Je dirais que c’est plutôt la fascination morbide qui m’a poussée à finir ce livre : l’envie d’aller jusqu’au point final du démantèlement de cette famille, et la promesse des autres lecteurs d’un tournant phénoménal à la page 240. Non, je n’ai pas particulièrement apprécié ce récit, même s’il faut rendre à l’auteur un véritable talent pour nous faire sombrer dans les méandres gluants de la fange familiale des Chastaing. J’ai trouvé l’histoire caricaturale, peu crédible et assez attendue, même si je me suis, comme beaucoup d’autres, laissée emportée par l’angoisse latente qui transpire de ces pages.


Résumé de l’éditeur :

«Avec eux, je tremble, je frémis, je suis dans l’adoration, et ce n’est pas un service à rendre aux enfants que de les adorer.»

Zachée et Thadée, deux frères, étudiants brillants et surfeurs surdoués, déploient les charmes de leur jeunesse sous l’été sauvage de La Réunion. Mais l’été et la jeunesse ont une fin, et il arrive qu’elle survienne plus vite et plus tragiquement que prévu.


Alors voilà, d’une certaine façon, je suis jeune, bien sûr. Mais la vraie jeunesse, qui comporte forcément une part d’innocence ou d’inconscience heureuse, cette jeunesse-là m’a quitté pour toujours. Il se peut même qu’elle ait pris fin le jour où un requin a arraché la jambe de mon frère dans les eaux agitées de l’océan Indien, en ce jour qui avait si bien commencé et qui devait si mal finir. Mais c’est sans doute le cas de tous les jours de malheur :  ils commencent comme tous les autres, on se lève comme d’habitude, on ne pressent rien, on s’avance vers le drame le coeur léger.

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