Une mère modèle Pierre Linhart Editions Anne Carrière 68 premières fois Hiver 2018 The Unamed Bookshelf

📖 68 Premières Fois – Hiver 2018

A quel âge arrête-t-on de se remettre en question? A quel âge cesse-t-on de vouloir plus pour se contenter seulement de l’existant? Florence arrive à cet âge où sa vie parfaite ne lui suffit plus. Elle ne peut plus se contenter de son mari William, professeur et écrivain exilé à New York. Elle ne peut plus se contenter de son fils unique, Joachim, adorable mais trop gâté. Elle veut une aventure, elle veut un second fils, elle veut rester à Paris, continuer à vivre de sa passion, la musique, en tant que maître de chant. Quand elle rencontre Moussa, ami de son fils, elle trouve un nouveau sens à sa vie. Elle offre à Moussa tout ce que son fils n’a pas su apprécier, elle prend soin de lui, persuadée que personne d’autre n’est là pour le faire. Mais ce qui commence comme un élan d’altruisme aura des conséquences bien plus graves sur sa famille, sa santé et sa vie.

Un mari qu’elle aime follement, un fils qu’elle adore, une vie dévouée à la musique… Couchée dans l’obscurité, elle murmure « merci », sans savoir à qui elle s’adresse puisqu’elle n’est pas croyante. Plus.
Elle répète merci. Au plafond, à l’air qui passe par la fenêtre, à l’énergie qui flotte autour d’elle et l’emplit d’extase.
Que je sache garder cet état de plénitude en moi. A jamais.

Florence voulait être mère, plus mère qu’elle ne l’était déjà, elle voulait combler ce manque que la nature n’a pas voulu lui donner. Mais encore plus que ça, elle traverse une crise plus profonde, une crise propre aux femmes qui ont tout fait comme il faut, qui ont réussi dans la vie, qui se sont mariées et qui ont eu des enfants. Elle a cet élan que les femmes ne cachent plus de nos jours : elle veut tout envoyer balader, elle veut retrouver ses années folles, son indépendance, elle veut retrouver le sens de sa vie. Elle s’apprête à vivre un grand virage et elle refuse d’avancer plus loin.

Pierre Linhart trouve les mots justes pour illustrer la lente et progressive descente aux enfers de cette femme arrivée au bout de son bonheur. Ce n’est pas simple d’expliquer le délitement d’une vie, de souligner l’incapacité d’une personne à voir ce qui se joue devant ses yeux. Même le lecteur ne voit pas la chute, il continue à lire, focalisé sur Moussa et ce qui va arriver à ce petit garçon, alors qu’il devrait se concentrer sur Florence, déjà en équilibre au bord du vide. Les pensées contradictoires de Florence sont extrêmement bien décrites, ses combats intérieurs et sa schizophrénie naissance sont rendus vivaces par ces dialogues intérieurs : un vrai scénario, où les dialogues restent dissimulés au reste des protagonistes.

C’est un livre extrêmement riche, sur le renoncement inconscient des femmes, sur l’incompréhension des hommes qui en demandent toujours plus, sur le sens de la vie, sur la passion et le désir, sur l’instinct maternel et ses limites pour les femmes modernes qui veulent s’accomplir autrement. Pierre Linhart, en racontant une femme, nous raconte beaucoup de femmes. Je n’aurais qu’une question pour l’auteur : si le personnage principal avait été un homme, est-ce que la dépression et l’accompagnement psychiatrique auraient été la suite logique de ce roman? Florence avait besoin d’un électrochoc, c’est bien vrai, mais peut-être aurait-elle pu sortir de son tunnel personnel, dans tomber dans le cliché de la femme « hystérique »?


Résumé de l’éditeur:

C’est l’histoire d’une femme qui se met à douter. De la relation avec son fils de dix ans, de son couple, de la vie qu’elle s’est choisie.
Un jour, apparaît Moussa, un copain de son fils, pour lequel elle se prend d’une affection toute neuve. Une chance peut-être ? Celle de devenir la mère modèle d’un enfant idéal. À moins que tout ne se dérègle. C’est le portrait d’une femme qui se remet à fumer, à vibrer, à transgresser l’ordre établi et les injonctions intimes. Une femme en crise, à moins qu’elle ne soit dans le vrai. Une femme qui emprunte un chemin inattendu pour redéfinir sa place dans le monde. Et qui, à son insu, réinvente le lien maternel tel qu’il pourrait se dessiner aujourd’hui.
Pierre Linhart est scénariste et réalisateur. Une mère modèle est son premier roman.


On croit passer d’un âge à un autre. On a tort. On ne quitte pas un âge pour un autre. On les accumule telles des couches sédimentaires. Et si nous étions tous des êtres sans âge, bloqués à un stade de notre développement, enfermés dans des corps vieillissants, dans des rôles d’adultes que nous prétendons jouer? Notre image, tel un trompe-l’oeil, masquerait l’immaturité de notre être. Qui peut définir l’âge intérieur, émotionnel, clandestin, de cette vieille dame qui traverse péniblement la rue? Ce cadre au costume griffé, aux joues rasées de près et à la coupe impeccable, si concentré sur son portable, ne consulte pas les cours de la Bourse, ne lit pas les dernières nouvelles du Wall Street Journal. Il joue avec des personnages de dessin animé, comme un gamin de huit ans. Ce costume de trader est un déguisement. La maturité est une mascarade. Rides et cheveux blancs ne disent rien de l’âge réel. Et toi? Quel âge as-tu aujourd’hui? Seize? Dix-sept? Et si tu n’évoluais plus? Mariée, mère d’un garçon de dix ans, alors que tu ne te sens même pas majeure… Tu es bien barrée, ma vieille.

Plus d’informations et de citations sur Babelio.