L'attente de l'aube - William Boyd - Editions du Seuil - espionnage - Première Guerre mondiale

En prévision de son mariage prochain, Lysander Rief se rend à Vienne pour résoudre, auprès d’un psychanalyste réputé, ses petits problèmes intimes. Un événement anodin pour un richissime anglais de bonne famille, mais l’entraîne vers une succession d’aventures rocambolesques à travers toute l’Europe du début du XXème siècle. Tombé amoureux d’une inconnue fantasque, il prend la fuite pour se retrouver finalement engagé dans une mission d’espionnage délicate, au cœur des services secrets britanniques, sous la houlette des énigmatiques Munro et Fyfe-Miller. Une mission en entraînant une autre, notre acteur »so british » se retrouve pris dans un engrenage impitoyable – pour notre plus grand plaisir.

A mesure que nous avançons dans l’avenir, le paradoxe deviendra plus clair – clair et obscur, obscurément clair. Plus nous savons, moins nous savons. C’est drôle, mais je peux vivre très heureux avec cette idée. Si ceci est notre monde moderne, alors je me sens un homme très moderne.

Vraiment, on s’y croirait : la Vienne d’antan, la vie d’artiste, les prémices de la psychanalyse sous l’influence du très réputé Docteur Freud. On est transporté par l’attirance de nos deux personnages, Lysander et Hettie, totalement incapables de contrôler leur attirance l’un pour l’autre, assoiffés l’un de l’autre. Loin d’être un anglais froid et distant, Lysander Rief s’avère être un personnage attachant, complexe et plein de relief. Notre personnage se livre, se découvre et s’abandonne dans les pages de son journal que nous parcourons avec gourmandise, nous laissant la possibilité de nous rapprocher de lui, dans une intimité unique et entière.

Peut être la vie est-elle ainsi – on essaye d’y voir clair, mais ce que l’on voit n’est jamais plus clair et ne le sera jamais. Plus nous faisons d’efforts, plus le trouble s’aggrave. Tout ce qui nous est laissé, ce sont des approximations, des nuances, des multitudes d’explications plausibles. Faites votre choix.

Tout s’emballe d’un coup par la suite, le roman sentimental qu’on avait lu jusque là se transforme en un palpitant récit d’espionnage. Lysander s’engage sur un coup de tête, un soudain besoin de défendre sa patrie, il est utilisé, manipulé comme un pantin par des individus lui ayant précédemment prêté main forte – on ne sait plus vraiment comment on en est arrivés là, mais une fois lancés dans la traque au traître des services secrets britanniques, on se délecte de tous ces rebondissements, de ces dangers de tous les instants, on tremble pour notre acteur. On ne lâche plus le livre, on avale les chapitres, on veut savoir comment ça finit. On lit tellement vite qu’on manque la moitié des indices, rapidement disséminés par l’auteur, et le dénouement arrivé, on n’est pas vraiment certains d’avoir tout compris. Peu nous importe cependant, on a vécu une sacré aventure !

Et bien, nous sommes tous des acteurs, non ? dit-il. En tous cas, la plus grande partie de notre vie éveillée. Vous, moi, votre mère, Munro et les autres. Certains sont bons, d’autres quelconques. Mais personne ne sait vraiment ce qui est réel, ce qui est vrai. Impossible de le dire avec certitude.

Sentiments, psychanalyse, voyage, action, guerre, sexe et théâtre : c’est un roman incroyablement riche qui ne cesse de nous étonner et de nous transporter, une pépite à découvrir !


Résumé de l’éditeur :

En cette fin d’été 1913, le jeune comédien anglais Lysander Rief est à Vienne pour tenter de résoudre, grâce à cette nouvelle science des âmes qu’est la psychanalyse, un problème d’ordre intime. Dans le cabinet de son médecin, il croise une jeune femme hystérique d’une étrange beauté qui lui prouvera très vite qu’il est guéri, avant de l’entraîner dans une histoire invraisemblable dont il ne sortira qu’en fuyant le pays grâce à deux diplomates britanniques, et ce au prix d’un marché peu banal. Dès lors, Lysander, espion malgré lui, sera contraint de jouer sur le théâtre des opérations d’une Europe en guerre les grands rôles d’une série de tragi-comédies. Sa mission : découvrir un code secret, dont dépend la sécurité des Alliés, et le traître qui en est l’auteur. Sexe, scandale, mensonges ou vérités multiples aux frontières élastiques, chaque jour et chaque nuit apportent leur tombereau d’énigmes et de soupçons. L’aube finira-t-elle par se lever sur ce monde de l’ombre, et par dissiper enfin les doutes que sème avec une délectation sournoise chez le lecteur fasciné l’auteur de cet étonnant roman du clair-obscur.


La Réalité est neutre, ainsi qu’il l’avait expliqué – « émaciée » était un mot qu’il avait employé à plusieurs reprises pour la décrire. Ce monde, non perçu par nos sens, demeure là-bas comme un squelette, appauvri et sans passion. Quand nous ouvrons nos yeux, quand nous sentons, entendons, touchons et goûtons, nous ajoutons de la chair à ces os selon notre nature et la manière dont notre imagination fonctionne. Ainsi l’individu transforme « le monde » – l’esprit d’une personne tisse sa propre et éclatante couverture sur une réalité neutre. Ce monde que nous créons est une « fiction », il est à nous seul, il est unique et non partageable.

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