Le coeur converti - Stefan Hertmans - Editions Gallimard - Du monde entier - Rentrée littéraire 2018 - The Unamed Bookshelf

Elle est née Vigdis Adelaïs, chrétienne du Nord, une jolie fille de Normand aux yeux bleus et aux robes de brocart. Un avenir tout tracé en cette fin du XIème siècle. Pourtant, sa rencontre avec David Todros, fils du grand Rabbin de Narbonne chamboule tous les plans. Une première fuite en entraîne une seconde, puis une troisième de l’autre côté de la Méditerranée. Un périple sans fin pour Vigdis Adelaïs, devenue Hamoutal, reconstitué sous nos yeux ébahis par un savant mariage entre fiction romanesque et recherches historiques. Stefan Hertmans nous entraîne pas à pas dans son propre périple, celui où a il suivi Vigdis Adelaïs, à travers les pays et à travers les âges.

A la fois romancé et documentaire, Le coeur converti imbrique le passé dans le présent, nous amène à rechercher les traces de ce passé enfoui sous nos pas, si lointain et pourtant toujours présent dans notre quotidien. Stefan Hertmans s’est incroyablement bien informé sur l’époque, sur les coutumes, sur la géographie. Il a suivi Vigdis Adelaïs dans tous les endroits connus où elle est passée, à quelques siècles de différence, cherchant ses pas sous la surface de la terre. Décrivant là une véritable enquête archéologique, il donne à son récit un relief rare, une crédibilité historique pointue et nous entraîne d’autant plus dans cette épopée rocambolesque au coeur du haut Moyen-Âge.

Vigdis et David, c’est le triomphe de l’amour sur la religion et les interdits, en ces temps de bouleversements sans précédents. Début des croisades et de la Reconquista espagnole, c’est une période troublée pour toutes les communautés religieuses qui bordent la Méditerranée. L’auteur défend un point de vue très tranché sur les croisades, idée farfelue du Pape Urbain II pour « ressouder le monde chrétien », et dépeint un portrait peu flatteur de ces hordes désordonnées en route pour Jérusalem, pillant tout sur leur passage et s’en prenant gratuitement aux communautés juives ayant cohabité en paix avec les chrétiens depuis des siècles. Si la réalité de l’époque mérite d’être nuancée, il offre tout de même un aperçu assez véridique de l’état d’esprit de l’époque, des dissensions sous-jacentes entre communautés religieuses et des règles prévalant entre individus de confession différente.

L’histoire de Vigdis Adelaïs nous éclaire sur son époque, sur la nature humaine et les conséquences de certains choix, tandis que le travail d’archéologue de Stefan Hertmans nous transporte au-delà des frontières de notre présent, nous donne envie d’explorer le monde et ses trésors enfouis, et donne corps à une épopée incroyablement riche.

Merci à Babelio et aux Editions Gallimard pour cette très belle découverte !


Résumé de l’éditeur :

Lorsque Stefan Hertmans apprend que Monieux, le petit village provençal où il a élu domicile, a été le théâtre d’un pogrom il y a mille ans et qu’un trésor y serait caché, il part à la recherche d’indices. Une lettre de recommandation découverte dans une synagogue du Caire le met sur la trace d’une jeune noble normande qui, à la fin du onzième siècle, convertie par amour pour un fils de rabbin, aurait trouvé refuge à Monieux.
La belle Vigdis est tombée amoureuse de David, étudiant à la yeshiva de Rouen. Au péril de sa vie, elle le suit dans le Sud, commence à prier son dieu et devient Hamoutal. Son père ayant promis une forte somme à qui la ramènerait, des chevaliers se lancent à sa poursuite. Puis les croisés, de plus en plus nombreux sur le chemin de Jérusalem, semant mort et destruction dans leur sillage, s’intéressent à cette femme aux yeux bleus.
C’est le début d’un conte passionnant et d’une reconstruction littéraire grandiose du Moyen Âge. S’appuyant sur des faits et des sources authentiques, cette histoire d’amour tragique, menée comme une enquête, entraîne le lecteur dans un univers chaotique, un monde en pleine mutation. Stefan Hertmans nous offre aussi un roman contemporain, celui d’une femme en exil que guide l’espoir.


Il existe encore ici de ces après-midi oniriques au cours desquels les lents nuages blancs évoquent de gigantesques dieux grecs assoupis qui, flottant à travers l’Elysée, nous donnent un aperçu du paradis. Je ressens de plus en plus le désir d’être enterré ici dans ce sol dur quand le moment sera venu. J’imagine qu’il me reste quelques années de répit puis je m’allongerais pour écouter le temps se déplacer, le bourdonnement des cyprès, le tintement de la cloche de l’église, le cri de la chouette et le gazouillis des guêpiers planant, extatiques, au-dessus de ma tombe, avec ce bleu intangible au-dessus de mes yeux devenus aveugles.
Le monde tourne, mais quand on retient un instant sa respiration, il s’immobilise.

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