
Comment survivre à son frère lorsque celui-ci a décidé de tourner le dos à sa propre vie? Il n’y a pas de réponse exacte à cette question, il n’y a qu’une réponse juste : celle qu’Olivia de Lamberterie nous livre dans son premier roman. Pour survivre à son frère tout en lui rendant hommage, elle retrace dans ce livre leur vie à tous les deux, de leur enfance parisienne aux derniers moments québecquois. Sous la plume de sa soeur, Alex reprend vie tandis qu’Olivia apprend la vie sans lui. A la douleur de l’absence, succède petit à petit la force de l’acceptation de ce choix, une décision incroyablement difficile, mais nécessaire pour continuer à aller de l’avant.
Justesse. C’est ce mot qui me vient à l’esprit tandis que j’essaie d’en trouver d’autres pour décrire cette lecture. Ce livre sonne juste par sa sincérité, par la simplicité avec laquelle Olivia ouvre son coeur, dévoile ses failles, admet ses souffrances. Aucune mise en scène, aucune dramatisation, aucune pitié, seulement la juste vérité d’une vie comme tant d’autres, terminée dans un fracas inhabituel. C’est la lumière de l’être aimé qu’Olivia de Lamberterie nous restitue ici, loin des récits larmoyants qui d’habitude nous parlent du suicide. Oui, c’est triste, mais pas seulement, voilà ce qu’elle essaie de nous dire.
Parler de sa mort, donc de la façon dont il a choisi de se la donner, est tabou. C’est la double peine, silence et silence. Parfois, on croirait même qu’il a commis une mauvaise action. Ceux-là même qui se gargarisent avec leur liberté, revendication que j’ai toujours trouvée un peu louche – liberté de quoi? de tromper sa femme? D’humilier ses collègues?-, ceux-là mêmes ont l’air de trouver suspecte la liberté ultime d’en finir avec la vie.
A travers des phrases pleines de références littéraires disparates, Olivia de Lamberterie rend hommage à son frère en utilisant ce qu’elle manie le mieux : les mots. Même si ceux-ci sont impuissants à la consoler dans ces moments incroyablement difficiles, ils la portent à chaque phrase vers le point final de ce récit très personnel. Il faut beaucoup de courage pour écrire sur les siens, encore plus pour décrire ceux qui ne sont plus, d’autant plus quand il s’agit de relater des moments difficiles. Elle réussit l’exercice haut la main avec un livre sensible et vrai, où la mort, même omniprésente, n’a pas sa place.
« Les mots des autres m’ont nourrie, portée, infusé leur énergie et leurs émotions. Jusqu’à la mort de mon frère, le 14 octobre 2015 à Montréal, je ne voyais pas la nécessité d’écrire. Le suicide d’Alex m’a transpercée de chagrin, m’a mise aussi dans une colère folle. Parce qu’un suicide, c’est la double peine, la violence de la disparition génère un silence gêné qui prend toute la place, empêchant même de se souvenir des jours heureux.
Moi, je ne voulais pas me taire.
Alex était un être flamboyant, il a eu une existence belle, pleine, passionnante, aimante et aimée. Il s’est battu contre la mélancolie, elle a gagné. Raconter son courage, dire le bonheur que j’ai eu de l’avoir comme frère, m’a semblé vital. Je ne voulais ni faire mon deuil ni céder à la désolation. Je désirais inventer une manière joyeuse d’être triste.
Les morts peuvent nous rendre plus libres, plus vivants. »
O. L.
J’ai pourtant bossé jusqu’à plus soif mais je suis critique littéraire. Je lis comme je respire, j’ai mes rituels, je commence par la page 66 pour voir si l’ouvrage en vaut la peine, puis je dévore. J’adore cette existence parallèle, cette réalité augmentée. Lire est l’endroit idéal pour qui évolue, comme moi, dans un entre-deux. Entre le shampoing anti-poux dans les cheveux de mes fils et L’Appel de la forêt. Entre l’ouaté de mon enfance et l’intrépidité de mes choix. Entre mes amies plus jeunes et les hommes plus vieux que j’ai aimés, à force, je ne sais plus quel âge j’ai. Entre mon identité socialement programmée et celle que je me suis inventée. Ni tout à fait bourgeoise, ni tout à fait bobo. Peut-être juste aristo, cette appellation non contrôlée suscitant tant de fantasmes en société et si peu de commentaires dans notre famille.
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j’ai prévu de le lire …
j’ai bien aimé la manière dont elle parlait de son livre et de son frère lors de son passage à LGL 🙂
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