Frère d'âme David Diop Editions du Seuil Rentrée littéraire 2018

La boucherie de la guerre a emporté Mademba Diop, son plus que frère. L’ennemi aux yeux bleus jumeaux a fait sortir le dedans dehors et Alfa est resté assis à regarder son ami mourrir, incapable d’accéder à ses ultimes supplications. A regarder son ami mourir les tripes à l’air dans la terre à personne, il y a de quoi devenir fou. Alfa n’y échappe pas, le désir de vengeance a raison de lui, il devient collectionneur de mains coupées, avant d’être envoyé à l’arrière à force de faire peur à ses camarades.

On l’appelle la Grande Guerre. Mais qu’y a-t-il de grand à arracher des hommes à leur terre natale pour les faire « jouer aux sauvages » devant l’ennemi allemand ? Armés d’un coupe-coupe, les tireurs sénégalais devaient se montrer féroces pour impressionner les boches – bravo la France, belle idée que celle-ci ! Envoyer des hommes comme Mademba Diop se faire massacrer au nom d’un idéal républicain et démocratique, au nom de douces illusions inculquées dans les écoles françaises des colonies. A travers la simple histoire de deux jeunes amis paris à la guerre comme on part à l’aventure, David Diop nous renvoie à l’horreur de cette guerre, à la honte de la colonisation, à l’exploitation de ces hommes qui n’avaient rien demandé à personne.

La France du capitaine a besoin que nous fassions les sauvages quand ça l’arrange. Elle a besoin que nous soyons sauvages parce que les ennemis ont peur de nos coupe-coupe.

Avec une langue lyrique et lancinante, David Diop décrit les horreurs de la guerre, ce recul froid adopté par les hommes pour y survivre, et la folie superstitieuse qui les rongeait tout autant que les rats, du fond de leur tranchées boueuses. La vie paisible de Gandiol apparaît comme un paradis perdu, où Fary Thiam attend près du fleuve le retour de son héros. Les souvenirs d’Alfa nous font entrevoir une autre vie, loin de la guerre européenne, loin des Toubabs et de leurs idées farfelues. On se laisse entraîner vers Gandiol, oubliant presque d’où sort cette histoire, celle d’un homme ayant perdu la raison, à force de trop d’atrocités.


Résumé de l’éditeur:

Un matin de la Grande Guerre, le capitaine Armand siffle l’attaque contre l’ennemi allemand. Les soldats s’élancent. Dans leurs rangs, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, deux tirailleurs sénégalais parmi tous ceux qui se battent alors sous le drapeau français. Quelques mètres après avoir jailli de la tranchée, Mademba tombe, blessé à mort, sous les yeux d’Alfa, son ami d’enfance, son plus que frère. Alfa se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s’enfuit. Lui, le paysan d’Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. Détaché de tout, y compris de lui-même, il répand sa propre violence, sème l’effroi. Au point d’effrayer ses camarades. Son évacuation à l’Arrière est le prélude à une remémoration de son passé en Afrique, tout un monde à la fois perdu et ressuscité dont la convocation fait figure d’ultime et splendide résistance à la première boucherie de l’ère moderne.


Traduire, ce n’est jamais simple. Traduire, c’est trahir sur les bords, c’est maquignonner, c’est marchander une phrase pour une autre. Traduire est une des seules activités humaines où l’on est obligé de mentir sur les détails pour rapporter le vrai en gros. Traduire, c’est prendre le risque de comprendre mieux que les autres que la vérité de la parole n’est pas une, mais double, voire triple, quadruple ou quintuple. Traduire, c’est s’éloigner de la vérité de Dieu, qui, comme chacun sait ou croit le savoir, est une.

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