Salutations révolutionnaires Sophie Bonnet Grasset 2018 Carlos le Chacal

Je suis née en 1993, un an avant l’arrestation d’Ilich Ramírez Sánchez à Khartoum (Soudan). Je n’ai jamais entendu parler de Carlos le Chacal, mes terroristes à moi s’appellent Oussama Ben Laden, Mohammed Atta, Salah Abdeslam. Après nos 11 septembre et 13 novembre, les faits d’armes de Carlos peuvent paraître dérisoires. Pourtant, cet homme n’en a pas moins tué de sang froid plusieurs centaines de personnes innocentes, parfois pour le compte du Front populaire de Libération de la Palestine, parfois seulement en mercenaire pour se remplir les poches. Ilich Ramírez Sánchez était un terroriste opportuniste, à la recherche de la gloire et de la fortune – il est même devenu musulman par opportunité, histoire d’aller au paradis s’il lui arrivait des bricoles.

Salutations révolutionnaires est l’histoire d’une rencontre, celle de Sophie Bonnet, réalisatrice, avec le numéro d’écrou 11939, le détenu nommé Ilich Ramírez Sánchez. Pourquoi décide-t-elle un beau jour de faire une demande de parloir pour aller rendre visite à un terroriste ? Cette partie là de l’histoire reste floue, il s’agit surtout d’aller découvrir l’homme derrière l’assassin. Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’elle rencontre Carlos, un monsieur ventripotent bien habillé, bien loin de se repentir ! Pendant quatre ans, elle va nouer une relation presque intime avec « tonton Ilich », gentil vieux monsieur égocentrique, excentrique et grandiloquent. Où est donc passé le terroriste qui a réussi à extirper 50 millions à l’Algérie pour épargner les otages de l’OPEP ? Tout le récit oscille entre les deux visages de ce Janus contemporain : d’un côté l’homme cultivé et cosmopolite, de l’autre le mercenaire sans foi ni loi.

A travers le récit de ces rencontres mensuelles au parloir, c’est un aperçu des prisons françaises que nous livre l’auteur – une incursion de l’autre côté du mur. Royaume des stéréotypes, le parloir est l’occasion pour les femmes d’aller rapporter leur linge à leurs « barbus » drogués et de se soumettre à leur libido malmenée. C’est un petit royaume où Carlos règne, entre la machine à café et le poste d’observation des matons, ses nouveaux amis. La Centrale de Poissy est un lieu de perdition sans pareille : la drogue est omniprésente, tous les détenus sont camés du matin au soir, rivés sur des jeux vidéos abrutissants. Aucune chance de réinsertion, aucune leçon assimilée – on s’interroge sur l’intérêt de ce système carcéral.


Résumé de l’éditeur :

«  Carlos apparaît, seul sous la lumière crue, immobile au bout du parloir. Corpulent, carré, il m’adresse un signe de la main auquel je réponds doucement pour me donner une contenance.
La mince porte de contreplaqué se referme sur nous. Une minuscule pièce, nos genoux se touchent. Les pupilles brunes. Les paupières lourdes. C’est un vieil homme. Où est le révolutionnaire au béret de Che Guevara  ? Le terroriste irréductible  ?  »

Pendant quatre ans, chaque mois, Sophie Bonnet a rendu visite à Ilich Ramírez Sánchez, dit Carlos ou Le Chacal, avec la certitude folle qu’elle parviendrait à raconter l’homme derrière le criminel.
Il a tenté de la séduire, de la manipuler. Et puis la relation a évolué. Carlos a parlé. Aujourd’hui, elle sait qui il a été, lui craint qu’elle ne l’abandonne.
La vérité est apparue violente et nue  : celui qui se rêve toujours en héros magnifique n’a été qu’un mercenaire sanguinaire, à la solde des plus grands tyrans de la fin du xxe  siècle.
Un récit hors du commun sur la soumission et la déchéance qui est aussi une plongée dans le monde insensé d’une centrale pénitentiaire.


Carlos, l’Animal, la Terreur. A Poissy, on ne se gêne jamais pour m’interpeller. Vous venez voir la Bête ? Vous êtes de sa famille ? Il appartient un peu à tout le monde. On l’a vu aux informations. On a parlé de lui au journal ! Les morts ne sont plus là pour venir se plaindre alors on l’écoute se vanter de ses exploits, adossé aux murs mangés par la crasse. On lui tend les bras. Pourtant, à l’extérieur, Carlos ne fait plus courir grand monde. Aujourd’hui, qui peut encore citer ses faits d’armes ? La légende paraît moribonde. Dans la moitié du monde, on le connaît uniquement sous le surnom de Carlos le Chacal. Comme une extravagante créature hybride mi-homme mi-chien. Ici, le Chacal est loin et personne ne se préoccupe de ce titre étrange.

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