J'ai couru vers le Nil - Alaa El Aswany - Actes Sud - 2018 - The Unamed BookshelfLes révolutions arabes ont fait souffler un grand vent de liberté en 2011 dans le monde entier. Que ces pays prédisposés à l’obéissance, soumis à la loi islamique, se rebellent, c’était un signe fort, celui d’un véritable renouveau. Pourtant, aujourd’hui, les régimes autoritaires ont rétabli leur main mises sur les pays du Magreb. Alaa El Aswany nous explique, à travers un roman polyphonique grandiose, comment est née la révolution égyptienne, les espoirs qu’elle a suscité, et la répression terrible dont elle a souffert. Au-delà du mouvement révolutionnaire seul, il s’intéresse aux hommes et aux femmes derrière l’occupation de la place Tahrir, aux morts et aux blessés, mais aussi aux potentats du pouvoir, justifiant leur violence à l’égard des manifestants par des interprétations discutables du Coran et des hadîth.

J’ai couru vers le Nil n’est pas un livre sur l’Egypte, mais un livre sur les Egyptiens. Il nous éclaire sur le quotidien d’une famille, riche ou pauvre, corrompue ou honnête, dans l’Egypte de 2011, celle d’Hosni Moubarak. A travers les lettres d’Asma et Mazen, et les réflexions de chacun des personnages, c’est tout une prise de recul sur la société dans son ensemble que nous propose l’auteur. A force d’ironie et de caricatures, il exprime son mépris pour les hypocrites pratiquant une religion de façade leur permettant de sauvegarder leur statut social et leurs privilèges, au détriment de la liberté, de la justice sociale et de la démocratie participative. Le général Alouani et Nourhane sont des exemples très réalistes des dérives d’une religion sans morale, où le port du voile et les prières quotidiennes suffisent à faire un bon musulman, même s’il torture, tue ou ment.

Un livre magistral à la rencontre de la révolution égyptienne, un récit atroce de réalisme sur les massacres et des humiliations perpétrées par le régime, et surtout un roman invitant à la réflexion sur les grands principes démocratiques que nous prenons pour acquis, sur les droits des uns et des autres et sur la religion, ses dérives et sa force.


Résumé de l’éditeur :

Le Caire, 2011. Alors que la mobilisation populaire est à son comble sur la place Tahrir, Asma et Mazen, qui se sont connus dans une réunion politique, vivent leurs premiers instants en amoureux au sein d’une foule immense. Il y a là Khaled et Dania, étudiants en médecine, occupés à soigner les blessés de la manifestation. Lui est le fi ls d’un simple chauffeur, elle est la fille du général Alouani, chef de la Sécurité d’État, qui a des yeux partout, notamment sur eux. Il y a là Achraf, grand bourgeois copte, acteur cantonné aux seconds rôles, dont l’amertume n’est dissipée que par ses moments de passion avec Akram, sa domestique. Achraf dont les fenêtres donnent sur la place Tahrir et qui, à la suite d’une rencontre inattendue avec Asma, a été gagné par la ferveur révolutionnaire. Un peu plus loin, il y a Issam, ancien communiste désabusé, victime de l’ambition de sa femme, Nourhane, présentatrice télé, prête à tout pour gravir les échelons et s’ériger en icône musulmane, qu’il s’agisse de mode ou de mœurs sexuelles.
Chacun incarne une facette de cette révolution qui marque un point de rupture, dans leur destinée et dans celle de leur pays. Espoir, désir, hypocrisie, répression, El Aswany assemble ici les pièces de l’histoire égyptienne récente, frappée au coin de la dictature, et convoque le souffle d’une révolution qui est aussi la sienne. À ce jour, ce roman est interdit de publication en Égypte.


Je prie, je jeûne, j’accomplis toutes les obligations, mais je crois que la religion véritable, c’est ce que l’on fait et pas ce que l’on croit. La religion n’est pas un but en soi mais elle est un moyen de nous enseigner la vertu. Dieu, qu’il soit glorifié et exalté, n’a pas besoin de notre prière et de notre jeûne. Nous prions et nous jeûnons pour notre propre éducation. L’islam n’est pas quelque chose de formel et de rituel, comme le croient les salafistes, et ce n’est pas non plus un moyen de s’emparer du pouvoir, comme le croient les frères. Si l’islam ne nous rend pas plus humains, il ne sert à rien, et nous non plus.
Elle le regarda sans lui répondre et il poursuivit avec enthousiasme :
– Pourquoi apprenons-nous la médecine ? C’est pour soigner les gens. Donc les études n’ont pas de valeur si l’on n’exerce pas la médecine. Avec la même logique, la religion est un entraînement à faire le bien. Il ne sert à rien de la pratiquer si cela ne se reflète pas sur notre morale.

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