Les petits garçons - Théodore Bourdeau - Rentrée Janvier 2019 - Stock Arpège - Caroline Laurent - The Unamed Bookshelf

C’est vraiment ce qu’annonce le titre – une histoire de petits garçons, dont l’un reste un grand enfant malgré les années qui passent, et l’autre devient grand plus vite que la moyenne. Un roman d’apprentissage comme on n’en fait plus, ancré dans l’actualité terrible de ces dernières décennies : les débuts du terrorisme, la désacralisation du politique, les fanatismes religieux. Théodore Bourdeau mélange tout en une seule vie, et montre la difficulté que ressent le narrateur à se construire dans un contexte aussi instable, incertain et violent. Il met des mots sur tous ces sentiments en vrac que nous ressentons tous, de l’adolescence au passage vers l’âge adulte, quand nous devons nous construire une vie, sans savoir laquelle.

Avec une grande subtilité, Théodore Bourdeau donne une touche d’universalité à son récit, en évitant de le positionner dans le temps et dans l’espace, en évitant de nommer ce narrateur auquel nous nous identifions si facilement. Il est pourtant simple de retrouver les lieux, les événements – Lille et ses maisons de briques, l’attaque du Drugstore, l’élection d’Emmanuel Macron. C’est un récit plongé dans la réalité et même temps très éloigné de la vérité chronologique et spatio-temporelle de ce qui y est évoqué – il devient ainsi intemporel, applicable à tout un chacun, qu’on soit plutôt Grégoire, Nicolas, Julie ou Louise. La petite histoire de ces personnages pris dans la tourmente de le vie rejoint la grande Histoire de la France, inexorable et incompréhensible parfois, rendue accessible par les médias et leur version biaisée des événements. Chacun y va de son interprétation, en fonction de son contexte, de son éducation, de son héritage et  c’est ce puzzle d’opinions et de personnalités qui donne à ce livre toute sa richesse.

Un premier roman bouleversant, lumineux et touchant, où la complexité de l’apprentissage de la vie apparaît dans toute sa splendeur et sa décadence.

Bravo à Caroline Laurent, pour avoir déniché cette pépite comme première publication de sa collection Arpège, récemment créée chez Stock.


Résumé de l’éditeur :

C’est l’histoire de deux amis qui traversent ensemble l’enfance, puis l’adolescence, et qui atterrissent à l’âge adulte le cœur entaillé.
C’est l’histoire d’un jeune homme maladroit, le narrateur, un peu trop tendre pour la brutalité du monde, mais prêt pour ses plaisirs.
C’est l’histoire d’un parcours fulgurant, celui de son ami Grégoire, et des obstacles qui l’attendent.
C’est aussi l’histoire d’une société affolée par les nouveaux visages de la violence.
C’est enfin une histoire de pouvoir, de déboires et d’amour.
Mais avant tout, c’est l’histoire de deux petits garçons.

Théodore Bourdeau signe un premier roman enlevé, à l’humour réjouissant, qui entremêle la douceur de l’enfance, les erreurs de jeunesse et le nécessaire apprentissage de la vie.


Souvent, je me disais que les journalistes étaient des touristes : on se plongeait dans l’univers décati des autres, puis on rejoignait ses copains pour raconter les anecdotes de reportages, on ironisait sur les témoignages recueillis, même s’ils étaient tragiques, un peu comme après un safari quand on montre ses photos. Car nous vivions pour la plupart dans des quartiers agréables. J’avais bêtement choisi celui la gare, mais j’aurais pu vivre dans un environnement plus chic, avec des boutiques de vêtements inabordables et des cafés à la mode. L’environnement citadin dans lequel nous étions plongés était sain, il y avait des emplois, une majorité de cadres, des possibilités de loisirs et des rencontres à faire, tout ce qui manquait aux zones périphériques. Élèves de l’Ecole de journalisme, nous appartenions au monde des villes, nous étions des enfants des classes moyennes, voire des bourgeois, bien éduqués et destinés à un métier peu rémunérateur, mais valorisé. Que pouvions-nous véritablement comprendre à la vie de ceux qui survivaient dans des zones que nous ne visitions que par obligation ?

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