Les fantômes du vieux pays Nathan Hill Folio 2019 Prix Folio des Libraires The Unamed Bookshelf

Les auteurs capables de tenir leurs lecteurs en haleine pendant 950 pages sont rares. Nathan Hill fait partie de ceux-là, dès son premier roman – ce qui est une réussite à ne pas sous-estimer. Il lui aura fallu dix ans pour finir son roman, moins d’une semaine à moi pour le dévorer – une première également dans l’histoire de mes lectures. La quatrième de couverture, pourtant, ne me faisait pas vraiment rêver – une mère un peu tarée qui lance des cailloux sur un politicien, son fils abandonné qui se sert de ce fait divers pour renouer avec sa mère et publier un livre-révélation pour le sortir de la faillite. C’était sans compter les talents de conteur de Nathan Hill. Il nous entraîne de personnage en personnage, change d’époque, revient en arrière, tout cela avec un doigté de virtuose absolument fascinant.

Ici, pas de raccourcis faciles, tout est décrit dans les moindres détails – les paysages, les gens, les situations semblent véritablement prendre vie sous nos yeux. Chaque événement décrit est d’une vivacité sans égale : les manifestations de 1968, les excursions virtuelles du personnage principal dans son jeu vidéo,  ses années d’école dans la banlieue de Chicago. Même les dialogues nous semblent avoir lieu juste à côté, comme si nous étions nous aussi assis à l’aéroport avec Samuel et Periwinkle lorsque celui-ci lui annonce qu’il doit rembourser la totalité de l’avance perçue sur son livre jamais écrit. Fascinés par ce qui se joue sous nos yeux ébahis, absorbés par l’histoire en train de se dérouler, nous laissons l’auteur nous entraîner dans toutes les directions possibles et imaginables, en nous demandant bien ce que des personnages comme Pwnage ou Laura Pottsdam vont bien pouvoir avoir comme rôle dans cette histoire. Mais finalement, tout le monde y trouve son compte, chacun est à sa place, chaque chapitre sur chaque personnage est l’occasion de tisser un peu plus longuement la toile de ce récit tentaculaire, l’occasion également d’explorer encore un peu plus longuement les méandres de l’âme humaine.

Je ne vous révèlerais évidemment pas la fin de cette histoire absolument passionnante – parce qu’il faut lire ce livre, entendons-nous bien, c’est un de ces romans à côté duquel il ne vaut mieux pas passer. Mais laissez-moi vous dire ceci : je ne m’y attendais absolument pas. On aurait pu penser qu’au bout de 800 pages, l’auteur aurait laisser échapper malencontreusement quelques indices, comme d’autres le font par inadvertance au bout de 100 pages. Mais non, pas du tout – arrivés à la fin, nous ne sommes qu’éberlués par ce dénouement tellement bien pensé, tellement plausible, et finalement tellement diabolique. Une grande réussite !


Résumé de l’éditeur:

Scandale aux États-Unis : le gouverneur Packer, candidat à la présidentielle, a été agressé en public par une femme de soixante et un ans qui devient une sensation médiatique. Samuel Anderson, professeur d’anglais à l’Université de Chicago, reconnaît alors à la télévision sa mère, qui l’a abandonné à l’âge de onze ans. Et voilà que l’éditeur de Samuel, qui lui avait versé une avance rondelette pour un roman qu’il n’a jamais écrit, menace de le poursuivre en justice. En désespoir de cause, le jeune homme promet un livre révélation sur cette mère dont il ne sait presque rien et se lance ainsi dans la reconstitution minutieuse de sa vie, à la découverte des secrets qui hantent sa famille depuis des décennies.


Pwnage avait dit à Samuel que chaque personne qui nous entoure représente un ennemi, un obstacle, une énigme ou un piège. Pour Samuel comme pour Faye, dans le courant de l’été 2011, le monde entier était un ennemi. La seule chose qu’ils espéraient encore de la vie, c’était qu’on les laisse tranquilles. Mais le monde n’est pas supportable pour qui y est seul, et plus Samuel a plongé dans l’écriture, plus il a compris à quel point il se trompait. Car en ne voyant les gens que comme des ennemis, des obstacles ou des pièges, on ne baisse jamais les armes ni devant les autres ni devant soi. Alors qu’en choisissant de voir les autres comme des énigmes, de se voir soi comme une énigme, on s’expose à un émerveillement constant : en creusant, en regardant au-delà des apparences, on trouve toujours quelque chose de familier.

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