Ces rêves qu'on piétine, Sébastien Spitzer, Livre de Poche, Prix des Lecteurs 2019, The Unamed Bookshelf

📘Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2019

Nous connaissons tous le nom de Joseph Goebbels – mais rares sont ceux qui savent que derrière cet homme-là se cachait une femme, puissante et ambitieuse, qui tenait le IIIème Reich dans sa main comme elle tenait Hitler contre sa poitrine. Magda Goebbels, enfant illégitime née d’une mère boniche, a réussi à se hisser au sommet, avant de connaître une chute sans précédent. C’est cette chute que raconte ici Sébastien Spitzer, la descente aux enfers de Magda, enfermée dans le bunker où les dignitaires nazis vivent leurs derniers instants, où Hitler se mariera et se fera sauter la cervelle, et où son mari la battra froid après avoir découvert ses origines…

La justice, Magda s’en moque. C’est une idée d’enfant. D’enfant gâté. Il n’y a pas de justice. Il n’y a que des décisions.

Toute la tension romanesque de ce livre repose justement sur ce paradoxe incroyable, une de ces incohérence de l’Histoire qui mérite d’être racontée : Magda Goebbels, épouse du Ministre de la Propagande du Reich, nazie convaincue, a été élevée par un père juif. Un père juif et aimant qui, dans l’imagination de l’auteur, continue à lui écrire des lettres depuis le camp de Buchenwald où il finit incarcéré. A une vérité historique inédite, Sébastien Spitzer a accolé un récit saisissant de réalisme, violent de détails sur les camps et la guerre, un récit glaçant qu’on ne peut pas ne pas croire.

L’existence de ces lettres permet l’invention d’une seconde histoire, celle d’une petite fille, Ava, née dans les camps, protégée par sa mère, découvrant finalement la liberté après s’être évadée de la grange où les soldats allemands tentent dans un dernier sursaut de sadisme de brûler vifs l’ensemble des juifs sortis des camps avec l’avancée des russes. Cette enfant déjà si vieille émeut, créé en nous, lecteurs, un élan de tendresse, une envie de protéger cette petite fille qui n’en a jamais vraiment été une. Le décalage entre cette enfant crottée, incapable de dormir dans un lit, et la première dame du Reich, tuant le temps en se recoiffant dans son bunker, est saisissant. L’histoire de l’une semble inextricablement liée à l’autre – la position de Magda lui aurait permis d’en sauver quelques uns, d’altérer le cours de l’histoire. Mais elle n’a rien fait, elle n’a pas levé le petit doigt, cette femme présentée ici comme tellement puissante – elle a laissé son père et tous les siens se faire massacrer –  par ambition, tout simplement.

Sébastien Spitzer nous sert ici un premier roman très fort, engagé et engageant, où la richesse historique s’allie à la virtuosité du style pour restituer au mieux l’angoisse et l’espoir de cette période unique dans l’Histoire du monde.


Résumé de l’éditeur :

À Berlin assiégé, la femme la plus puissante du IIIe Reich se terre avec ses six enfants dans le dernier refuge des dignitaires de l’Allemagne nazie. L’ambitieuse s’est hissée jusqu’aux plus hautes marches du pouvoir sans jamais se retourner sur ceux qu’elle a sacrifiés. Aux dernières heures du funeste régime, Magda s’enfonce dans l’abîme, avec ses secrets.

Au même moment, parmi les colonnes des survivants de l’enfer des camps, marche une enfant frêle et silencieuse. Ava est la dépositaire d’une tragique mémoire : dans un rouleau, elle tient cachées les lettres d’un père. Richard Friedländer, raflé parmi les premiers juifs, fut condamné par la folie d’un homme et le silence d’une femme : sa fille. Elle aurait pu le sauver. Elle s’appelle Magda Goebbels.


Elle lit. Elle lit des heures durant pour combler ces néants. Elle en a fait descendre, des livres. Des caisses pleines. Pour se soûler de mots, d’autres mots que tous ceux qui l’entourent, que ceux des tables à cartes et du poste de radio. Assoiffée de mots d’amour, de mots de mer, d’océan, de voyages. Des mots dans tous les sens et d’ailleurs d’où qu’ils soient. Elle enchaîne les volumes, comme de bons vieux alcools. Elle s’assomme. Hécatombe sur son front intérieur.

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