Manuel à l'usage des femmes de ménage, Lucia Berlin, Livre de Poche, Prix des lecteurs 2019, The Unamed Bookshelf📘Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2019

Lucia Berlin raconte dans ce recueil de nouvelles des moments de sa vie, plus ou moins romancés et plus ou moins étayés. Séjour de plusieurs semaines dans une maison de plongeurs, ou simple réflexion philosophique sur le macadam pilonné par des forçats, tous ces extraits de vie semblent n’avoir rien en commun. Pourtant, nombre d’entre eux ont appartenu à une seule et même personne, cette femme complexe et drôle, à l’humour noir et tranchant.

Le monde de Lucia Berlin est peuplé de personnages effrayants, tels que ce grand-père qui demande à sa petite-fille de lui arracher les dents pour qu’il puisse mettre son beau dentier, mais surtout, ce monde est peuplé d’ombres insaisissables : l’alcool, la drogue, la mort. De nombreuses nouvelles sont liées à l’alcoolisme, aux sacrifices qu’ils implique, aux difficultés d’arrêter de boire, aux impacts qu’il peut avoir sur une famille. Pourtant, dans chaque histoire, chacune traitant d’un sujet difficile, Lucia Berlin ajoute ces petits moments magiques, ces petites réflexions sur la vie et sa beauté, sur la nature environnante ou la folie de vivre des personnages pourtant brisés par leurs addictions.

Lucia Berlin surprend, par sa vie aventureuse, mais aussi par son talent pour raconter les histoires, ce naturel désarmant avec lequel elle nous plonge dans d’autres vies, sans fioritures ou effets de style, tout simplement, avec ses mots à elle et sa tournure de phrases. Souvent à la première personne, ses nouvelles sont empreintes d’un réalisme cru, d’une vérité sans fard, on y croit de tout notre cœur. On voudrait faire des liens entre les nouvelles, retrouver les personnages et leurs relations, mais Lucia Berlin brouille les pistes, change les noms, les lieux, la temporalité – peut-être aurait-on mieux apprécié ces nouvelles de manière individuelle, hors de ce recueil touffu où beaucoup se ressemblent et se comparent. C’est en tout cas une excellente découverte, une belle occasion pour moi de renouer avec le style de la nouvelle, délaissé depuis longtemps.


Résumé de l’éditeur:

Elle est une grande écrivaine injustement méconnue, une reine de la narration. Lucia Berlin (1936-2004), mariée trois fois, mère de quatre garçons, raconte ici ses multiples vies en quarante-trois épisodes. Élevée dans les camps miniers d’Alaska et du Midwest, elle a été successivement une enfant solitaire au Texas durant la Seconde Guerre mondiale, une jeune fille riche et privilégiée à Santiago du Chili, une artiste bohème dans le New York des années 1950 et une infirmière aux urgences d’Oakland. Elle a su saisir les miracles du quotidien jusque dans les centres de désintoxication du sud-ouest des États-Unis, égrenant ses conseils avisés et loufoques tirés de ses propres expériences d’enseignante, standardiste, réceptionniste, ou encore femme de ménage. Un destin exceptionnel.


Terry était un jeune cow-boy du Nebraska. Il n’allait jamais voir de films en langue étrangère. J’ai fini par comprendre que c’était parce qu’il n’arrivait pas à lire assez vite.
Chaque fois qu’il prenait un livre, chose rare – il déchirait chaque page et la jetait. Quand je rentrais à la maison, où les fenêtres étaient ouvertes ou cassées, ça tourbillonnait dans la pièce, on aurait dit les pigeons sur le parking du supermarché.

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