La saison des ouragans Fernanda Melchor Editions Grasset 2019 The Unamed Bookshelf

Au village de La Matosa, personne n’est vraiment surpris quand est retrouvé le corps de la Sorcière, personnage controversé depuis sa naissance, enfant du diable en personne. Autour d’elle gravitaient une foule de personnages violents, homosexuels accros aux drogues, qu’elle entretient en échange de faveurs sexuelles, prostituées désespérées à la recherche d’une solution facile pour garder leur homme ou se débarrasser d’un accident. Alors, Luismi, Munra, Norma, Brando – lequel est vraiment responsable de ce meurtre ?

Avec un style rude, râpeux et cru, Fernanda Melchor entrelace les histoires de ces quelques personnages-clés du village de La Matosa, des histoires de violence, d’alcool, de drogue, de sexe, de viols – des histoires somme toute communes dans cette partie du monde. Les phrases interminables donnent un sentiment d’asphyxie, de confusion, de vacuité, similaire à ce que semblent ressentir les personnages dans ce village écrasé par la chaleur, gangrené par la drogue et l’alcool, étouffé par la misère. Quel portrait du Mexique contemporain ! Lecteur, si tu lis ce livre, prépare-toi à avoir le cœur retourné, la bile au bord des lèvres, tant certaines scènes sont graphiques, tant certains passages sont pornographiques, tant la merde ambiante imprègne chaque description de l’espace ou des personnages.

Sans nul doute, cette jeune auteure mexicaine a une voix atypique, un style mordant, une appréhension de la vie à part – désabusée ? C’est effectivement une auteure à découvrir, malgré le sentiment de soulagement qu’on ressent quand on referme ce livre, quand on laisse toutes ces horreurs derrière nous, quand on se détache de la fascination morbide qu’il a créé sur nous.


Résumé de l’éditeur:

Inspiré d’un fait divers, La saison des ouragans s’ouvre sur la découverte d’un cadavre. Dans le canal d’irrigation, aux abords du petit village de La Matosa, un groupe d’enfants tombe sur le corps sans vie de la Sorcière. À la fois redoutée et respectée, elle habitait une maison pleine de mystères où les femmes de la région venaient lui rendre visite pour lui demander de l’aide  : maladies, mauvais sort, mais aussi avortements discrets. À l’instar de Chronique d’une mort annoncée de Gabriel García Márquez, nous découvrons au fil du roman les événements qui ont mené à son assassinat, les histoires des bourreaux qui sont autant de mobiles expliquant les raisons du meurtre de cette envoûtante Sorcière de La Matosa.
Yesenia a vu son cousin Luismi, accompagné de Brando, sortir de la maison de la Sorcière avec un corps. Il y a également Munra, le beau-père boîteux de Luismi, qui conduisait le camion le jour de l’assassinat, un simple exécutant dit-il aux policiers. Luismi vit avec Norma, une jeune fille de 13 ans. Elle a été admise à l’hôpital pour d’importants saignements à la suite d’une visite chez la Sorcière. Brando, lui, a besoin d’argent pour ses projets. Un trésor serait caché dans la maison de la femme maléfique. Autant de raisons pour commettre l’irréparable et autant de perspectives qui nous plongent dans la campagne mexicaine où la misère, la drogue et la violence poussent les gens à la folie autant que l’extrême chaleur qui s’installe. Ce qui, en plein mois de mai, semble annoncer que la saison des ouragans sera violente…
Grâce à cette intrigue policière à rebours, Fernanda Melchor dresse un formidable portrait du Mexique et de ses démons. Sa langue est crue, musicale, elle retranscrit la brutalité avec beaucoup de talent. Il s’agit d’un livre sur les pulsions et la violence mais également sur l’une des figures du féminisme – souvent fantasmée, toujours persécutée –, qu’on a cherché à abattre depuis la nuit des temps  : la sorcière.


Ce n’est que plusieurs semaines plus tard que la petite apparut un matin dans les rues de Villa, entièrement vêtue de noir, noires les chaussettes, noirs les poils sur les jambes, noir le chemisier à manches longues aussi bien que la jupe, les chaussures à talons et le voile qu’elle avait accroché avec des barrettes au chignon qui rassemblait ses longs cheveux au sommet de son crâne, une image qui laissa tout le monde bouche bée en raison de l’effroi ou de l’envie de rire qu’elle suscitait tant elle était ridicule, car par cette chaleur à vous cuire le cerveau, cette idiote vêtue de noir, il fallait qu’elle soit bien folle, ridicule, qu’elle ait envie d’être grotesque, comme ces travestis qui débarquaient chaque année à l’occasion du carnaval de Villa, pourtant personne n’osa lui rire au nez car ils étaient nombreux à avoir perdu des êtres chers durant le cataclysme.

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