Douleur, Zeruya Shalev, Folio 2019 The Unamed BookshelfC’est avec une grande émotion que je referme aujourd’hui le roman de Zeruya Shalev, Douleur. C’est l’histoire d’une femme, en quête d’elle-même, cherchant à surmonter la douleur physique d’un attentat lui a imposé, à retrouver cette part d’elle-même qu’elle a perdue à dix-sept ans lorsque son amour de jeunesse l’a quitté, à combler le vide d’une vie de famille par défaut. Alors qu’elle pense avoir trouvé la solution à cette vacuité en retrouvant l’être aimé, c’est une toute autre réalité qui la rattrape, et l’attire loin de cet amour renaissant, loin de cette solution de facilité qui lui tendait les bras.

Incroyable de sensibilité et de délicatesse, ce roman nous entraîne dans une Jérusalem moderne où la vie est semée d’embûches, où rien n’est simple et tout est lié, où les rêves s’écrasent souvent contre un mur de réalité brute. Ce qui commence comme une histoire des retrouvailles comme un cadeau du ciel pour ces deux protagonistes désabusés, prend une toute autre direction, suscite des réflexions profondes sur le sens de la vie, nous amène, nous lecteurs, à nous interroger sur nos propres failles, notre propre dépendance au passé, nos propres erreurs. Zeruya Shalev nous embarque à sa suite dans ce récit de vie, nous pourrions être Iris, Micky, Alma ou Omer, ce n’est qu’une famille comme tant d’autres, qui se retrouve soudain chamboulée par des éléments extérieurs.

Roman édifiant et engagé, il traite de nombreuses questions existentielles, celle de la guerre permanente en Israël, plus ou moins officielle, celle du végétarisme comme mode de vie, celle de l’adultère comme faute ou rédemption, celle de l’indépendance de la femme, celle de l’accomplissement par le travail… Tant de thèmes d’actualité traités ici en quelques 500 pages, de manière approfondie et romancée, Zeruya Shalev ne mâche pas ses mots, son personnage principal non plus, tout est prise de position et prise de conscience, de la première à la dernière page. On est chamboulés, bousculés, surpris, inquiets, émerveillés, tout à la fois, sans interruption – on est conquis, irrémédiablement, par ce roman foisonnant et riche, magnifiquement écrit et tellement juste.


Résumé de l’éditeur:

À près de cinquante ans, Iris mène à Jérusalem une existence bien remplie. Cette ambitieuse directrice d’école pensait avoir surmonté ses blessures enfouies jusqu’au jour où les souvenirs la rattrapent. Elle retrouve par hasard son grand amour de jeunesse, ravivant une passion qu’elle croyait éteinte. Tandis que son mari s’éloigne et que leur fille multiplie les provocations inquiétantes, Iris tente de contrôler la situation. Dans un pays traversé par l’urgence de vivre, choisira-t-elle de ressusciter le passé ou d’affronter le présent?


Il y a des vies qui se construisent pas à pas, brique par brique, atteignent leur point culminant, se stabilisent, puis lorsque vient le déclin, il est annoncé et naturel, mais il y a d’autres vies qui ont commencé à décliner presque dès le début pour cause d’apogée précoce, la sienne par exemple, et même si cette évidence ne lui a pas sauté aux yeux plus tôt, elle le savait aussi à l’époque, c’est pour ça qu’il n’y a pas vraiment de lien entre l’adolescente qu’elle a été et la femme qu’elle est devenue, ou alors un lien si ténu qu’il ne peut tenir une vie entière, d’autant qu’il y manque une pièce maîtresse. Comment a-t-elle eu la naïveté de croire qu’elle bâtirait une ossature solide sans cet élément central et qui se trouve présentement assis derrière la porte fermée, alors elle garde les yeux braqués dessus sans oser relâcher la tension, elle a trop peur de rater une nouvelle occasion de le voir, d’entendre sa voix, ne serait-ce que fugitivement.

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