Imaginez être propulsés à Anvers, en 1940, en pleine occupation Allemande. Imaginez que la moitié de vos amis sont des collabos, et que l’autre moitié sont des résistants. Où vous positionneriez-vous ? Comment réagiriez-vous face aux sollicitations des uns et des autres ? Saurez-vous seulement où se trouve le bien et le mal, les méchants et les gentils ? C’est cette période trouble qu’évoque dans son récit Jeroen Olyslaegers, au milieu des uniformes noirs des SS et des étoiles jaunes des juifs. Wilfried est policier, le cul entre deux chaises, entre son collègue Lode et son ami Barbiche Teigneuse, chacun comptant sur lui pour filer un coup de main, soit aux résistants, soit aux Allemands. Il n’est pourtant pas si simple de choisir un camp et Wilfried n’aura finalement jamais ce courage… jusqu’à ce qu’il s’en morde les doigts, une fois sa vieillesse atteinte.
Trouble est une grande confession, témoignage détaillé d’un homme n’ayant plus toute sa tête, cherchant à expliquer sa vie, sans justifications, sans excuses. Il se contente de poser les faits sur le papier, de replacer le contexte, et de donner quelques unes de ses réflexions. Mais finalement Wilfried ne semble pas dévoré par le regret, ou le remords. Ses non-choix, sa passivité et son opportunisme apparaissent au fil des pages, lui ne semble pas avoir conscience d’avoir été le jouet de l’Histoire, il se semble pas réaliser qu’une prise de position aurait été possible – et même nécessaire. Mais pouvons-nous vraiment le juger ? Qui sait ce que c’est de vivre dans un pays occupé, où les hommes en uniforme tabassent femmes et enfants sous prétexte qu’ils sont juifs ?
C’est un livre qui se lit d’une traite, comme une histoire que nous raconterait Wilfried alors que nous sommes assis à son chevet. C’est décousu, plein de circonvolutions, retours en arrière et sauts en avant, de l’enfance à la vieillesse, tout étant finalement lié à cette période noire de son existence, ces années de guerre, où la Belgique a courbé les dos et ses habitants ont dû trouver des moyens de survivre. Trouble est un livre puissant, magnifiquement écrit, résolument placé sur cette ligne entre le bien et le mal, un no man’s land où ces notions philosophiques n’ont plus lieu d’être et où plus rien n’est blanc ou noir. Une claque en somme.
Anvers, 1940. Wilfried Wils, 22 ans, a l’âme d’un poète et l’uniforme d’un policier. Tandis qu’Anvers résonne sous les bottes de l’occupant, il fréquente aussi bien Lode, farouche résistant et frère de la belle Yvette, que Barbiche Teigneuse, collaborateur de la première heure. Incapable de choisir un camp, il traverse la guerre mû par une seule ambition : survivre. Soixante ans plus tard, il devra en payer le prix.
Récompensé par le plus prestigieux prix littéraire belge, Trouble interroge la frontière entre le bien et le mal et fait surgir un temps passé qui nous renvoie étrangement à notre présent.
Vivre en guerre est quelque chose de particulier. Tout change, la ville se pare d’un autre masque. C’est le choc de la nouveauté. Quand, après avoir baisé un peu, tu deviens parent, tout le monde te prévient : attention, rien ne sera plus comme avant. Elever des enfants est l’affaire la plus banale du monde, jusqu’à ce que ça t’arrive et que tu regardes un être dans un berceau dont tout le monde s’attend à ce que tu t’adaptes à lui. Chacun autour de toi fait comme si c’était la chose la plus normale qui soit, mais ce n’est pas l’impression que tu as. Tout le monde autour de ce berceau bêle que tu peux être content d’avoir un enfant en bonne santé et l’affaire est close. Quand une ville est occupée par d’autres maîtres, d’autres coutumes, c’est la même chose. Le choc initial passé, la plupart des gens veulent faire le plus vite possible comme si c’était normal, comme si la vie continuait et qu’il fallait s’adapter, ainsi que me le disait le père de Lode.
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je l’ai beaucoup aimé 🙂
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