La femme révélée Gaëlle Nohant Editions Grasset The Unamed Bookshelf Rentrée littéraire Janvier 2020Lorsqu’Eliza arrive à Paris, elle laisse derrière elle une vie qu’elle ne retrouvera peut-être jamais : une situation confortable, un nom et surtout un fils, Tim, qui grandira sans elle. Fuyant l’injustice perpétrée par l’homme qu’elle a épousé, elle s’enfuit pour l’Europe en empruntant le nom de Violet Lee. Malgré des débuts peu prometteurs, Paris lui permet enfin de s’émanciper, chose malaisée pour une femme dans l’entre-deux-guerres. Quand son exil prend fin, c’est avec une tristesse infinie, mais aussi une farouche détermination qu’elle court se frotter à un Chicago en pleine ébullition…

Ce que je retiendrais d’abord de ce livre, c’est ce principe de vie, énoncé par Henry Williams, ami noir du père de la narratrice : il n’y a pas d’impasses, seulement les murs que nous nous créons nous-mêmes. Pour une femme forte aux valeurs chevillées au corps comme Violet Lee, rien n’est impossible, ni de recommencer à zéro, ni de retrouver un amour perdu, ni même d’affronter une horde de policiers armés de matraques avec un appareil photo ! Gaëlle Nohant nous offre ainsi un roman aussi inspirant que passionnant, en utilisant le destin de cette mère courage atypique pour aborder des réalités historiques souvent méconnues du lecteur français.

C’est en effet avec force de détails et d’émotion que Gaëlle Nohant évoque la ségrégation persistante aux Etats-Unis, les conditions de vie abominables des noirs ayant émigré dans le Nord en espérant une meilleure situation, et les combats de la jeunesse américaine contre une élite corrompue, raciste et impérialiste. J’ai été bluffé par la capacité de cette auteure française à nous faire découvrir Chicago comme si on y était, avec un petit trémolo dans l’écriture, caractéristique de cet amour qu’on porte parfois à des endroits où on aimerait vivre.

Superbe découverte donc que cette Violet Lee et son courage incommensurable, et que cette auteure au style entraînant et aux talents d’historienne incontestés !


Résumé de l’éditeur:

Paris, 1950. Eliza Donnelley se cache dans un hôtel modeste, sous le nom de Violet Lee. Elle a brusquement abandonné les beaux quartiers de Chicago, un mari fortuné et son petit garçon, n’emportant qu’une valise, son Rolleiflex et une photo de son fils. Pourquoi s’est-elle enfuie, au risque de tout perdre ?

Dans un Paris qui redécouvre la lumière après les années grises, la secrète Violet tente de se réinventer. A travers l’objectif de son appareil photo, elle apprivoise la ville, saisit les visages des humbles, des invisibles. Et, découvrant une indépendance nouvelle, elle se laisse traverser par le souffle d’une passion. Mais comment supporter d’être traquée, déchirée par la douleur de l’exil ? Et surtout, comment se pardonner l’abandon d’un fils ?

Des souvenirs de la guerre encore brûlants aux injustices raciales, de la vieille Europe où tout semble possible aux Etats-Unis en pleine ébullition politique et sociale, une odyssée vers la modernité. En luttant pour sa liberté, pour la liberté, Violet gagnera le droit de vivre en artiste et en accord avec ses convictions. Jusqu’au jour où, vingt ans plus tard, se profile un possible retour…

Par la grâce de son écriture ample et sensible, Gaëlle Nohant crée un monde intense, vibrant d’humanité.


Durant ces trajets quotidiens, Adam et moi parlions de cette ville à la voracité centrifuge qui ne cessait d’amalgamer de nouveaux territoires, dévorant toujours plus de carburant humain. Des centaines de bateaux, de trains déversaient leur contenu dans sa gueule et recrachait des Américains convertis à la religion d’un rêve inaccessible, prêts à suer sang et eau pour une promesse rarement tenue. Des abattoirs aux tous de Babel du Loop, chacun prétendait arracher un petit morceau de rêve. Une poignée d’élus décrochaient la timbale, nourrissant la rumeur qui nous tenait éveillés la nuit, nous poussait à nous priver de l’essentiel pour mériter le superflu, la grâce du dollar. Nous consentions aux mythes qui nous constituaient en nation, à un évangile de liberté écrit dans le sang, la domination, le vol et l’esclavage. Nous acceptions d’être réunis par un mensonge.

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