Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, Jean-Paul Dubois
theunamedbookshelf
Publié le 1 février 2020
🏆Prix Goncourt 2019
Incarcéré pour deux ans à la prise de Bordeaux, à Montréal, Paul Hansen fait le bilan de sa vie, en dialoguant avec les êtres chers qu’il a perdu en route : son père, sa femme et son chien. Ces reconstitutions des faits marquants de son existence sont entrecoupées de scènes non moins marquantes de sa vie quotidienne, liée aux intestins et à la philosophie de comptoir de son compagnon de condo, Patrick Horton. Comment Paul Hansen, jeune homme simple et bienveillant, qui aime réparer les choses et se rendre utile aux autres, a bien pu se retrouver à partager une cellule avec ce Hell’s Angel prêt à ouvrir tout le monde en deux ?
C’est justement à cette question que répondent les 240 pages de ce roman, histoire d’une vie dont le dénouement semble tout sauf logique. Mais quelle vie ! Aucun personnage dans ce roman n’est stéréotypé, déjà vu, simplifié. C’est une galerie de personnalités complexes, attachantes et déroutantes que nous livre entre ces pages Jean-Paul Dubois : un pasteur danois ayant perdu la foi en Dieu mais développé une croyance dans les jeux de hasard, une Toulousaine soixante-huitarde férue de cinéma d’art et d’essai voire de pornographie, une canadienne algonquine superstitieuse et pilote d’un avion à flotteurs, un adjuster passant ses journées à mettre le nez dans les plus noirs secrets des morts pour faire baisser les primes d’assurance…
Avec une petite dizaine de personnages et un ton caustique plein d’ironie, Jean-Paul Dubois nous dresse un portrait touchant et étonnamment complet de l’humanité, où gentils et méchants sont clairement identifiés, même si la société n’a pas forcément mis les méchants derrière les barreaux et les gentils dans les piscines privées.
Cela fait deux ans que Paul Hansen purge sa peine dans la prison provinciale de Montréal. Il y partage une cellule avec Horton, un Hells Angel incarcéré pour meurtre.
Retour en arrière: Hansen est superintendant a L’Excelsior, une résidence où il déploie ses talents de concierge, de gardien, de factotum, et – plus encore – de réparateur des âmes et consolateur des affligés. Lorsqu’il n’est pas occupé à venir en aide aux habitants de L’Excelsior ou à entretenir les bâtiments, il rejoint Winona, sa compagne. Aux commandes de son aéroplane, elle l’emmène en plein ciel, au-dessus des nuages. Mais bientôt tout change. Un nouveau gérant arrive à L’Excelsior, des conflits éclatent. Et l’inévitable se produit.
Une église ensablée dans les dunes d’une plage, une mine d’amiante à ciel ouvert, les méandres d’un fleuve couleur argent, les ondes sonores d’un orgue composent les paysages variés où se déroule ce roman.
Histoire d’une vie, Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon est l’un des plus beaux livres de Jean-Paul Dubois. On y découvre un écrivain qu’animent le sens aigu de la fraternité et un sentiment de révolte à l’égard de toutes les formes d’injustice.
Je voudrais tant trouver le sommeil. Ne plus entendre les rats. Ne plus sentir l’odeur des hommes. Ne plus écouter l’hiver au travers d’une vitre. Ne plus devoir manger du poulet bouilli dans des eaux grasses. Ne plus risquer d’être battu à mort pour un mot de trop ou une poignée de tabac. Ne plus être contraint d’uriner dans le lavabo parce, qu’après une certaine heure, nous n’avons plus le droit de tirer la chasse d’eau.
Ne plus voir, tous les soirs, Patrick Horton baisser son pantalon, s’asseoir sur la lunette et déféquer en me parlant des « bielles entrecroisées » de sa Harley qui au ralenti « tremblait comme si elle grelottait ».
A chaque séance, il œuvre paisiblement et s’adresse à moi avec une décontraction confondante qui donne à penser que sa bouche et son esprit sont totalement découplés de sa préoccupation rectale. Il n’essaye même pas de moduler ses flatulences d’effort.
Tout en finissant ses affaires, Patrick continue de m’éclairer sur la fiabilité des derniers moteurs désormais montés « sur des Silentbloc dits isolastic », avant de réajuster ses braies comme un homme qui a fini sa journée, et d’étaler sur la cuvette un linge immaculé censé tenir lieu d’abattant et qui sonnait un peu pour moi à la fois comme la fin d’un office et un « Ite missa est ».Fermer les yeux. Dormir. C’est le seul moyen de sortir d’ici, de laisser les rats derrière soi.
Plus d’informations et de citations sur Babelio.
j’hésite depuis le début mais il est quand même sur ma liste…
j’ai souvent une réticence vis-à-vis des choix des Goncourt la plupart du temps je préfère le choix de lycéens 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai presque tout lu de cet écrivain. Jamais je n’ai encore été déçu par un de ses romans.
Quelque soit le thème (‘avant-dernier traitait du suicide), on en sort plein de douceur et d’humanité après l’avoir terminé.
J’aimeJ’aime