Jouir, Sarah Barmak, Editions de la Découverte, Zones Grand Prix des Lectrices Elle 2020 Essai The Unamed Bookshelf🙋🏼Grand Prix des Lectrices Elle 2020

Si Sarah Barmak a choisi un titre aussi tapageur pour son essai, Jouir, ce n’est pas par hasard – c’est pour marquer les esprits. Elle replace la jouissance au cœur du débat en accusant la société d’avoir pendant des siècles bridé la sexualité des femmes, les hommes d’avoir minimisé le désir féminin en mettant leur pénis au centre de toute relation sexuelle, et la science d’avoir dénigré les parties intimes de femmes, rendant celles-ci ignorantes de leur propre corps. Cette partie là a été une petite révélation pour moi qui, je l’admets volontiers, faisais clairement partie de la catégorie de femmes susmentionnées. Découvrir les mécanismes socio-politico-culturels derrière mes propres parties génitales a été un moment d’épiphanie, où j’ai réalisé que j’aurais dû lire des livres sur le sujet depuis longtemps. Avec un langage simple et accessible, dans un style très américain mêlant anecdotes personnelles et faits scientifiques, Sarah Barmak restitue de nombreuses recherches réalisées sur la sexualité féminine pour remettre son lecteur au niveau sur le sujet – à force de répétitions.

Ensuite pourtant, elle part dans une démonstration d’un tout autre genre, qui ne s’adresse plus vraiment aux néophytes, et m’a laissée clairement perplexe. Son quatrième chapitre, « Jouer », fait le catalogue des pratiques « New Age » qui ont fleuri en Amérique récemment pour aider les femmes à renouer avec leur sexualité – et plus particulièrement leurs orgasmes. Si les groupes de parole et la pleine conscience m’ont semblé des réponses logiques au problème évoqué précédemment, le yoga tantrique et la méditation orgasmique, entre autres, m’ont laissée pantoise. Il y a une véritable dichotomie entre le premier tiers du livre et le reste, qui, pour moi, ne s’adressent pas au même public, et finissent par perdre le lecteur.

NB: J’admets avoir été sceptique sur la deuxième partie aussi suite à ma lecture récente de La Dictatrice, où le féminin sacré et la sexualité féminine sont utilisés pour établir un régime tyrannique dirigé par une femme détenant les pleins pouvoirs.

Résumé de l’éditeur :

Libérée, la sexualité des femmes d’aujourd’hui ? On serait tenté de croire que oui. Pourtant, plus de 50 % d’entre elles se disent insatisfaites, que ce soit à cause d’un manque de désir ou de difficultés à atteindre l’orgasme. Si tant de femmes ordinaires sont concernées, peut-être qu’elles n’ont rien d’anormal et que ce n’est pas à la pharmacie qu’il faut aller chercher la solution. Le remède dont elles ont besoin est plus certainement culturel, et passe par une réorientation de notre approche androcentrée du sexe et du plaisir.
Tour à tour reportage, essai et recueil de réflexions à la première personne, cet ouvrage enquête sur les dernières découvertes scientifiques ayant trait à l’orgasme féminin. On y apprend ainsi qu’une chercheuse en psychologie clinique a recours à la méditation de pleine conscience pour traiter les troubles à caractère sexuel. On y découvre aussi diverses façons dont les femmes choisissent de redéfinir leur sexualité. Cette aventure aux confins de la jouissance nous emmène jusqu’au festival Burning Man, où l’orgasme féminin est donné à voir sur scène, ou encore dans le cabinet feutré d’une thérapeute qui propose de soigner les traumatismes liés au viol à l’aide de massages sensuels.


Grâce à la pornographie, nous avons également appris à mobiliser en priorité la vue au moment des rapports sexuels, et ce au détriment des quatre autres sens, tant et si bien que les stimuli érotiques reçus par le toucher et le goût perdent de leur influence. Et nous l’avons fait avec tellement d’application que certaines personnes en oublient tout bonnement que le sexe n’est pas un acte principalement visuel. S’il doit être classé, il s’apparente sans doute bien davantage à un acte de toucher à l’aveugle, à un dialogue entre masses et postures, positions et textures, zones humides et sèches, convexe et concave. C’est l’animal en nous qui s’éveille, ses sens qui s’aiguisent, sa vue qui se brouille et ses yeux qui se ferment, ses mollets qui se tendent, sa poitrine qui s’élargit. C’est le sang dans nos veines qui se met à gronder. La vidéo nous empêche de vivre le sexe de manière profonde. Ce qu’elle nous offre, c’est du safe sex, du sexe protégé, qui se déroule dans un laboratoire cérébral exempt de toute vulnérabilité, loin de l’espace instable qui s’insinue entre deux corps humains. C’est du sexe flanqué de termes comme « haute définition », « amateur » ou « caméra cachée », qui cherchent à donner à l’affaire un semblant de vérité et l’illusion de l’immédiateté. Mais, ce sexe-là, il ne prépare ni les hommes, ni les femmes à la rencontre avec un être humain, un être vrai et vulnérable. Il ne les prépare ni à se révéler dans leur corps imparfait, ni à se délecter de tous les plaisirs que ce même corps imparfait peut leur offrir.

Plus d’informations et de citations sur Babelio.