La soustraction des possibles Joseph Incardona Editions Finitudes, Grand Prix des Lectrices Elle 2020 The Unamed Bookshelf🙋🏼Grand Prix des Lectrices Elle 2020

La soustraction des possibles, ou comment deux « petits » vont essayer de tirer leur épingle du jeu dans l’effervescence financière des années 1990. Svetlana et Aldo n’ont en apparence pas grand chose en commun, à part peut-être leur propension à voir le sexe comme un moyen pour parvenir à leurs fins, mais le destin va les rattraper et les lier à jamais, dans toutes leurs magouilles et leurs rêves de grandeur. Autant vous le dire, ça c’est l’intrigue dans les grandes lignes, en fait, c’est beaucoup plus compliqué que ça – et je ne suis pas sûre d’avoir tout bien compris alors je ne vais pas essayer de vous raconter.

Joseph Incardona convoque dans ce roman fleuve toute une foule de personnages plus tordus les uns que les autres – mafieux, banquiers, héritiers, exécutants, anciens révolutionnaires, pions sur l’échiquier ou épouse manipulatrice, tous ont une seule chose en commun : leur amour de l’argent. A travers les stratégies élaborées qu’ils mettent en place pour gagner toujours plus, l’auteur nous amène finalement à réfléchir sur le capitalisme, ce système de plus en plus libéral où un actif totalement virtuel constitue le centre des préoccupations, et où tous les coups sont permis pour maximiser sa rentabilité – surtout dans les années 1990 où l’informatique commençait tout juste à percer et où aucune législation, ou presque, ne venait entraver la libre circulation des capitaux.

Résultat de ce mix personnages-réflexion sous-jacente, nous obtenons un roman foutrement intelligent, rempli de références, d’explications, d’analyses sur une variété de sujets – jalousie, monde du travail, sexe, ambition, OGM, etc. Le style d’écriture surprend, avec ce narrateur s’accordant de libres intrusions dans le récit pour faire de l’ironie (« Et une banque n’a rien de fasciste ni de totalitaire. N’est-ce pas?« ), se moquer ouvertement de ses personnages (« Et la dignité, Odile?« ) ou raconter des épisodes de sa propre vie (dont je n’ai jamais bien compris l’utilité dans le récit). Ça aurait donc pu être un roman passionnant, mais finalement, j’y ai trouvé des longueurs, des flous persistants (mais à quoi sert Christophe Noir dans le plan initial?) et des digressions perturbantes. Je relirais avec plaisir cet auteur – mais dans un format peut-être plus condensé.


Résumé de l’éditeur:

On est à la fin des années 80, la période bénie des winners. Le capitalisme et ses champions, les Golden Boys de la finance, ont gagné : le bloc de l’Est explose, les flux d’argent sont mondialisés. Tout devient marchandise, les corps, les femmes, les privilèges, le bonheur même. Un monde nouveau s’invente, on parle d’algorithmes et d’OGM.
À Genève, Svetlana, une jeune financière prometteuse, rencontre Aldo, un prof de tennis vaguement gigolo. Ils s’aiment mais veulent plus. Plus d’argent, plus de pouvoir, plus de reconnaissance. Leur chance, ce pourrait être ces fortunes en transit. Il suffit d’être assez malin pour se servir. Mais en amour comme en matière d’argent, il y a toujours plus avide et plus féroce que soi.
De la Suisse au Mexique, en passant par la Corse, Joseph Incardona brosse une fresque ambitieuse, à la mécanique aussi brillante qu’implacable.

Pour le monde de la finance, l’amour n’a jamais été une valeur refuge.


On suit le courant des fantastiques années ’80, Thatcher, Reagan, ce second souffle de l’ultralibéralisme lève définitivement le voile sur nos démocraties, l’idéal politique entamé par l’idéal économique et financier. La dite « Fin de l’Histoire », c’est peut-être ça : chacun pour soi et le dollar pour tous.
L’argent coule sous forme de codes et de chiffrements. Il est un peu comme le monstre du Loch Ness, personne ne le voit jamais, sauf quand il se matérialise en objets : maisons, voitures, propriétés, bijoux, oeuvres d’art…
La cour des grands ou, soyons plus modestes, des moyens. Les très grands son inatteignables, on les laisse où ils sont et on tire notre épingle du jeu.
Facile, la vie.

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