Le quatrième mur - sorj chalandon - éditions grasset

🏆Prix Goncourt des Lycéens 2013

Beyrouth, 1982. Tout commence avec un pièce de théâtre, Antigone, une initiative pour la paix entre les différentes communautés lancée par un mourant. C’est pourtant une tentative de paix vouée à l’échec. Parce que la paix semble impossible dans un tel pays. Parce qu’il n’y a ni gentil ni méchant, juste des gens qui souffrent, qui veulent la reconnaissance qu’ils méritent, qui veulent venger les leurs, venger ces morts qui n’ont servi à rien dans ce conflit sans fin.

J’ai commencé ce livre au hasard, sans savoir qu’en attendre, sans vraiment rien en attendre de particulier. J’y voyais une histoire de théâtre, une histoire de guerre comme on en lit tant.

Mais Georges ne m’a pas raconté une histoire comme on en lit tant. Georges m’a fait pleurer, Georges m’a donné envie de vomir, Georges m’a fait espérer et Georges m’a fait réfléchir. Qui connait vraiment l’histoire de cette guerre civile au Liban? En France, c’est le genre de conflit qu’on ignore parce qu’on n’arrive pas à le comprendre. Dans ce livre, rien ne nous est vraiment expliqué, à la fin, on ne sait toujours pas comment tout à commencé, pourquoi ils se tuent tous les uns les autres. La seule chose que Georges nous explique c’est l’horreur de la guerre. Georges nous met dos au mur, nous renvoie à notre statut de petit Européen privilégié, qui lit les atrocités dans les journaux, qui compatit faiblement de la souffrance des uns, en blâmant les autres sans vraiment comprendre son propre choix. Il nous renvoie à notre incompréhension, à nos idées reçues, et leur oppose les nuances infinies et la richesse de ses personnages issus de communautés multiples.

La fille a relevé la tête. Le garçon a ouvert d’autres yeux. L’instant fut magnifique. Deux acteurs se mesuraient. Ni chrétien, ni sunnite, ni Libanais, ni Palestinienne. Deux personnages de théâtre. Antigone et Créon. Elle le narguait. Il la défiait. Elle irait jusqu’à mourir. Il irait jusqu’à la tuer. Il sont restés immobiles une minute, corps penché en avant, tendus l’un vers l’autre, se prenant par les yeux sans un mot.

Les personnages de Sorj Chalandon sont beaux et touchants, chacun à leur manière. Magnifiques dans leur souffrance et dans leur haine. Dans leur rage de vivre et de survivre. Le narrateur s’efface devant eux, et devant les événements, pour nous livrer une histoire d’une pureté incomparable, d’une vérité criante qui ne cherche pas à dissimuler l’horreur. La fiction n’a pas sa place ici, seuls les faits réels, les massacres inscrits dans l’histoire, vus par les yeux des hommes et des femmes qui les ont vécus.

Personne ne sait ce qu’est un massacre. On ne raconte que le sang des morts, jamais le rire des assassins. On ne voit jamais leurs yeux au moment de tuer. On ne les entend pas chanter victoire sur le chemin du retour. On ne parle pas de leurs femmes, qui brandissent leurs chemises ensanglantées de terrasse en terrasse comme autant de drapeaux.

Ce livre m’a bouleversé. Littéralement.


Résumé de l’éditeur:

« L’idée de Sam était belle et folle : monter l’Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé.
Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m’a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l’a fait promettre, à moi, petit théâtreux de patronnage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m’offre brutalement la sienne… »


Des avions se jetaient sur la ville. Ils bombardaient la capitale du Liban. C’était incroyable, dégueulasse et immense. J’étais en guerre. Cette fois, vraiment. J’avais fermé les yeux. Je tremblais. Ni la peur, ni la surprise, ni la rage, ni la haine de rien. Juste le choc terrible, répété, le fracas immense, la violence brute, pure, l’acier en tous sens, le feu, la fumée, les sirènes réveillées les unes après les autres, les klaxons de voitures folles, les hurlements de la rue, les explosions, encore,encore, encore.

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