🙋🏼Grand Prix des Lectrices Elle 2020
La fille sans peau est l’histoire d’une enquête, celle d’un journaliste un peu fouineur qui n’hésite pas à exhumer une affaire vieille de quarante ans quand un homme est éviscéré sur la glace groenlandaise. Mais plus on avance dans l’intrigue, plus on réalise que ce n’est pas vraiment cette enquête qui constitue le coeur du livre, mais plutôt les abus sexuels sur les mineurs, fléau malheureusement répandu au Groenland.
Mads Peder Nordbo signe ici un thriller glacial, à l’image de cette île de l’Atlantique dans laquelle il se déroule, où l’homme est à la merci des éléments et les enfants sont à la merci des hommes. Les paysages, les tempêtes, le froid sont tellement vivants entre ces pages qu’on a l’impression d’y être, de fouler la neige du Groenland de nos baskets mouillées, avec Matthew et Tupaarnaq. Nous suivons leurs aventures solitaires, découvrant petit à petit le fil rouge sous-jacent de ces meurtres violents, et questionnant au fur et à mesure du récit la morale sanglante qu’ils incarnent : un homme qui viole sa propre fille ne mérite-t-il pas d’être puni ?
Force est de constater que l’auteur délaisse petit à petit l’intrigue policière et le suspense associé pour se concentrer sur la dénonciation des violences faites aux enfants, révélant peut-être un peu trop vite l’identité du meurtrier que Matthew et Jacob ont passé tellement de temps à chercher, puis tissant des liens entre les personnages pour faire ressentir d’autant plus vivement au lecteur l’atrocité de leur situation. Mais de toute cette noirceur, je retiendrais la neige aveuglante et les icebergs flottant dans l’océan, les yeux de Matthew sur le corps de lianes inextricables de Tupaarnaq, et la douceur de Jakob pour la petite Paneeraq – et je serais curieuse de suivre la suite de leurs aventures.
Nuuk, Groenland, 2014. Une découverte sensationnelle fait frémir la petite communauté : le corps d’un Viking est extrait de la glace, en parfait état de conservation. Mais le lendemain, le cadavre a disparu et on retrouve l’agent de police qui montait la garde nu et éviscéré comme un phoque. L’épouvantable procédé résonne funestement avec des affaires de meurtres non élucidées datant de plus de quarante ans.
Le journaliste danois Matthew Cave s’immerge dans ces cold cases, révélant le destin terrible de tant de fillettes de la communauté. Mais sa quête menace clairement les intérêts malsains de certaines personnalités importantes de l’île, et il comprend assez vite que sa curiosité risque de s’avérer fatale. Étrangement, la seule à qui il ose faire confiance est une jeune chasseuse de phoques groenlandaise récemment libérée de prison.
La fille sans peau nous plonge dans un monde fascinant et hostile recouvert d’une couche de glace vieille de plus de cent mille ans, dont la beauté envoûtante cache une nature imprévisible et souvent meurtrière. Un arctic noir viscéral et addictif qui ne laissera personne indifférent.
Je veux monter jusqu’au sommet de la montagne et laisser le calme et la solitude remplir mes pensées. Même si c’est précisément la solitude que je fuis. Une solitude et un manque irrémédiables. C’est ça, la beauté des montagnes : on y trouve la paix. Mon âme est vieille. La montagne est mon corps, la rivière est son sang et la brume son haleine. Je la sens respirer. Je la sens vivre. Mon âme. Et je comprends que la solitude n’existe pas. Nous vivons tous dans le même monde.
(…)
Si je reste immobile, je deviendrai une pierre. Si je reste immobile, la vie pourra m’atteindre, me toucher. C’est ma crainte, mais aussi mon désir. Un jour je me réfugierai en haut de la montagne. Et son coeur de pierre se refermera autour de moi et me fera comprendre ce qu’est l’immobilité. Une immobilité où rien ne s’entend. Mais où tout est perceptible. Et tout deviendra pierre.
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