Avec ce premier roman atypique, Sébastien L. Chauzu nous sert une histoire sacrément loufoque, avec des personnages tous plus barrés les uns que les autres, qui se détestent cordialement pour la plupart, mais finissent tant bien que mal à s’apprivoiser. Martha Erwin passe ainsi la moitié de ses journées à travailler comme détective pour la multinationale familiale, dirigée par son oncle qu’elle déteste et qui le lui rend bien, et l’autre moitié de ses journées à s’assurer que son couple avec Allan, déjà envahi par deux bichons (ou « bnichons » comme elle les appelle), ne soit pas compromis par Allison, sa fille insupportable à l’humour grinçant. Dans le bazar de cette vie qui ne tient qu’à un fil, surgit alors un gamin bizarre surnommé Modifié, qui rêve avant tout de conduire des chasse-neiges (ou « grattes » comme il les appelle), et qui va venir compléter ce tableau de famille pour le moins étrange.
Si vous êtes amateurs de polars traditionnels, attendez-vous à être surpris ici ! Vous voyez ce détective torturé, misanthrope, alcoolique notoire, noyant sa solitude dans des relations sexuelles diverses et variées, celui qu’on retrouve dans tous les polars (ou presque) ? Prenez ce gars-là, et mettez-le dans le corps d’un femme, vous aurez Martha Erwin. Pas l’image que vous vous faisiez de la gentille Mère Theresa recueillant le petit Modifié ? Justement, c’est là tout l’attrait du livre : deux personnages dysfonctionnels, chacun à sa façon, mais finalement tous les deux en marge de la société, se trouvent, se comprennent, et apprennent à s’aimer, en faisant l’économie des mots et en se mettant tous les autres à dos.
En dehors des personnages, je dois avouer que j’ai été assez déroutée par le style du récit, inhabituel pour une intrigue policière – puisqu’il y en a toute de même une. L’auteur fonctionne en ellipses, il évoque rapidement un fait ou une action, et puis passe immédiatement à autre chose au paragraphe suivant, nous donnant systématiquement l’impression qu’on a raté quelque chose – surtout que Martha a toujours un coup d’avance sur nous, résolvant ce meurtre en deux coups de cuillère à pot. Si je n’ai donc pas forcément été convaincue par l’intrigue policière, je garderais un bon souvenir de cette lecture vraie (toujours), touchante (parfois) et drôle (souvent) qui, pour une fois, laisse de côté la vision romanesque de la vie pour nous en montrer les côtés moches et crus, ceux qui font que nous sommes vivants et que nous pouvons nous « modifier » en mieux.
Une province du Canada où la neige tombe jour et nuit.
Une détective au caractère bien trempé et à la carrière peu glorieuse.
Un mari conciliant, ses deux chiens et sa fille insupportable.
Un adolescent différent qui surgit de nulle part, aime déblayer les allées, rêve de conduire un chasse-neige, et qui répond au nom de Modifié.
Un meurtre, une enquête dans un lycée et un riche héritier à sauver.
Bienvenue dans le roman le plus tendre et le plus loufoque de l’histoire de New Brunswick.
L’héroïne s’appelle Martha Erwin. Son existence se résumait à mener ses filatures et tâcher de débarrasser son couple des encombrants bagages de son mari – deux bichons et une fille. Son credo était jusqu’ici familles, je vous hais. Mais l’arrivée de Modifié dans sa vie va tout faire basculer.
Hilarant et bouleversant, Modifié fait partie de ces livres inoubliables. Un film des frères Cohen à lire, un condensé d’émotion et d’humour. Une histoire qui nous prend, nous fait rire et pleurer. Qui nous modifie pour toujours.
Modifié a tendu son verre vers moi. Il venait de le vider, il souriait. Il n’était pas dupe lui non plus, il savait ce qui se passait, à sa façon. Si j’étais le bouc émissaire de ma famille, son ciment, Modifié était celui de la société. Il le savait, il le sentait. Pour autant, lui n’était ni maso, ni indifférent, Modifié était authentique. C’est pour ça qu’on le pointait du doigt, comme le bouc de la Bible, son rôle était de nous débarrasser de nos péchés. C’était sur sa tête que les gens posaient leur main pour se délester de leurs crimes. Le dermato allait bientôt revenir à la charge, Modifié en était conscient mais il ne s’en souciait pas. Il allait être mis au ban de la société, ça ne l’empêchait pas de boire son deuxième Cola tranquillement. Je l’ai envié et puis j’ai pensé que ça non plus, il ne connaissait pas : l’envie.
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