Un lieu à soi Virginia Woolf Folio livres traduit par Marie Darrieusecq The Unamed Bookshelf

Un lieu à soi est la nouvelle traduction, faite par Marie Darrieusecq, du fameux essai de Virginia Woolf, A Room of One’s own. Si cette traduction nuance légèrement le titre, précédemment traduit comme Une chambre à soi, le propos reste sensiblement le même : une longue dissertation visant à expliquer pourquoi les femmes n’écrivaient pas, ou très peu, de fiction dans les années 1930. A travers un entrelacement d’histoires plus ou moins factuelles ou imaginaires, de réflexions diverses et variées et de faits trouvés dans des livres d’histoire, Virginia Woolf nous explique essentiellement que les femmes ne peuvent pas écrire de fiction parce qu’elles n’ont pas la disponibilité intellectuelle de le faire, disponibilité qui leur est refusée pour deux raisons principales : elles n’ont pas suffisamment d’argent à elles pour pouvoir dédier leur temps aux choses de l’esprit, et elles sont systématiquement interrompues parce qu’elles n’ont pas de lieu à elles où s’isoler pour penser tranquillement.

Cet essai, si tant est qu’il puisse être qualifié ainsi est franchement difficile à lire, je ne vous le cacherais pas. Pour autant, je suis contente de m’être accrochée et d’en être arrivée au bout. La thèse m’étant déjà familière, j’ai apprécié de suivre le processus intellectuel, même romancé, ayant permis à l’auteure d’arriver à ce propos. Elle pensait trouver une réponse simple et évidente à sa question dans les livres académiques, mais cet espoir vite déçu, elle a laissé à son imagination et à sa logique plus de place pour interpréter ses recherches. C’est intéressant de suivre ses réflexions qui viennent alors que son esprit s’égare, les gribouillis qui accompagnent ses pérégrinations mentales et révèlent finalement plus que les notes ordonnées qu’elle a couché sur le papier.

Aujourd’hui, les femmes sont bien plus présentes sur la scène littéraire, pour autant, il n’est aisé pour personne de vivre de sa plume à l’heure actuelle. Est-ce que la distinction de sexe, dans ce contexte, existe toujours, non pas telle que Virginia Woolf la décrivait mais sous une nouvelle forme ? Est-ce que le patriarcat existe toujours en littérature au XXIème siècle ? Je ne connais pas assez le milieu littéraire pour en juger, mais je serais ravie d’avoir l’avis d’auteur.e.s à ce sujet !


Résumé de l’éditeur:

Pourquoi Hamlet n’a-t-il pas été écrit par une femme? À cette question, faussement naïve et vraiment provocante en 1929, Woolf répond : car une femme n’aurait pas eu «un lieu à elle» pour écrire. De quel lieu s’agit-il? Espace concret de la pièce de travail où s’isoler ; espace temporel où les femmes sont libérées des tâches domestiques ; espace mental où elles sont libres de penser. Espace de liberté économique, aussi, qui leur permette de s’assumer seules. C’est enfin l’espace qui reste à créer dans la tête des hommes (et des femmes) pour admettre que oui, les femmes peuvent travailler, penser et écrire à l’égal des hommes.

Impeccable démonstration historico-sociale sur les obstacles qui ont conduit les femmes à demeurer dans un état de minorité face aux hommes, Un lieu à soi est un texte hybride, tout à la fois essai, récit autobiographique, fiction utopique et manifeste idéologique. Woolf met sa finesse et son ironie au service d’une cause toujours actuelle.


Les femmes, durant tout ces siècles, avaient servi de verres grossissants dont le magique et délicieux pouvoir réfléchissait la silhouette naturelle d’un homme en multipliant sa taille par deux. Sans ce pouvoir, la terre serait encore probablement marécage et jungle. Les gloires de toutes nos guerres seraient inconnues. Nous en serions encore à graver les contours d’un cerf sur les restes d’un os de mouton, et à troquer des silex contre des peaux de brebis ou tout ce que notre goût sans chichis nous dictait comme simple ornement. Les Surhommes et autres Doigts du Destin n’auraient jamais existé. Le tsar et le Kaiser n’auraient jamais ni porté ni perdu de couronnes. Quel que soit leur usage dans les sociétés civilisées, les miroirs sont essentiels à toute action héroïque et violente. C’est pourquoi Napoléon et Mussolini ont tous les deux insisté si emphatiquement sur l’infériorité des femmes, car si elles n’étaient pas inférieures elles cesseraient de faire loupe.

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