Un loup quelque part Amélie Cordonnier Flammarion The Unamed BookshelfL’amour maternel est inconditionnel, paraît-il. Ou du moins, c’est ce que la société veut nous faire croire, à coups d’héroïnes-mères invincibles. Amélie Cordonnier questionne dans son dernier roman ce mythe de l’instinct maternel plus fort que tout, en le confrontant à la différence physique. Quand votre enfant ne vous ressemble pas, quand vous n’arrivez pas à assumer son apparence auprès de votre entourage, est-il si simple d’aimer ? Il n’y a pas à dire, c’est sacrément violent comme question.

Amélie Cordonnier n’y va pas par le dos de la cuillère pour traiter de ce thème domestique, elle qui avait déjà surpris avec son premier livre sur les violences conjugales, Trancher. Elle a un sacré sens de la phrase, jouant sur les rimes, le rythme  et les expressions françaises colorées pour créer une narration saccadée, hachée, totalement suffocante. Chaque mot est recherché, acéré, pesé, et nous saute à la figure pour mieux nous confronter à la réalité de ce qui est en train de se dérouler entre les pages. Non, cette mère n’aime pas son enfant, elle n’en veut plus, elle veut le rendre, elle ne s’en occupe pas, elle a même tellement peur de le noyer qu’elle achète un siège spécial pour ne pas avoir à le tenir pendant son bain. Sujet dérangeant, malsain, tabou, mais tellement vrai pour toutes les femmes souffrant d’une dépression post-partum ou ayant des enfants « différents » selon l’euphémisme consacré.

Si cette lecture m’a été difficile sur une bonne partie du livre, celle de la descente aux enfers de cette femme en train de perdre les pédales, la fin m’a totalement bouleversée. Sans tout vous révéler, j’ai été très touchée par la relation fusionnelle du personnage principal avec son père, la dévotion de ce même père pendant son enfance pour être tout à la fois père et mère, et l’amour inconditionnel qu’ils se portent sans avoir besoin de l’exprimer vraiment. Choix habile de l’auteur qui termine un livre traitant de l’amour maternel en montrant l’immensité d’un amour paternel.


Résumé de l’éditeur:

« Paupières closes coupées au canif, lèvres parfaitement dessinées, l’air imperturbable. Royal même. Au début, elle a cru qu’il lui plaisait, ce petit. Seulement voilà, cinq mois plus tard, elle a changé d’avis. Ça arrive à tout le monde, non ? Elle voudrait le rapporter à la maternité. Qui n’a pas un jour rendu ou renvoyé la chemise, le pantalon, le pull, la ceinture ou les chaussures qu’il venait d’acheter ? »
Que fait cette tache, noire, dans le cou de son bébé ? On dirait qu’elle s’étend, pieds, mains, bras, visage. Mais pourquoi sa peau se met-elle à foncer ? Ce deuxième enfant ne ressemble pas du tout à celui qu’elle attendait. Aucun doute, il y a un loup quelque part.
Avec une écriture aussi moderne qu’acérée,
Amélie Cordonnier met en scène une femme paniquée de ne pas réussir à aimer son enfant et dont l’affolement devient de plus en plus inquiétant.


Plus de place pour elle dans ce monde de mères qui chérissent, s’attendrissent, moulinent avec ou sans Moulinex, mitraillent pour Internet, consolent, torchent avec tact et tweetent le moindre de leurs actes. Elle n’est plus de celles qui essuient morves, merdes et chagrins. Elle, elle laisse désormais tout couler. Pisse et pleurs. Elle en ressent de la colère. Mais pas seulement. Une grande honte aussi. Inavouable, inexplicable. Inexpiable. Une putain de honte qui pue, empeste à dix mètres, rougit ses joues, empoisse ses doigts au point qu’elle n’arrive plus à en lever aucun, même pas le petit. Quand Alban se met à chialer, maintenant c’est cul collé au canapé. Allez vas-y, bouge-toi, tu l’entends pas gueuler ton gosse, s’époumoner à s’en péter les tympans ? Une looseuse de la maternité, c’est tout ce qu’elle est. Une ratée du coeur.

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