Ceux que je suis Olivier Dorchamps Editions Finitude The Unamed Bookshelf

Lorsque leur père décède subitement, Marwan et ses frères sont sous le choc, d’autant plus que Tarek a décidé de se faire enterrer à Casablanca, où il est né et a vécu avant d’émigrer en France. Ses fils ont beau être français, parler très mal l’arabe et éviter d’aller au Maroc autant que possible, cette fois-ci, ils n’auront pas le choix. Invité à accompagner le défunt en avion, Marwan n’aura d’autre choix que d’essayer d’apprivoiser son pays d’origine, ainsi que l’histoire familiale qu’il y découvrira.

Déchiré entre deux cultures, Marwan fait partie de cette génération « issue de l’immigration », qui n’est ni assez française pour les Français, ni assez marocaine pour les Marocains. Stigmatisés partout, ils ne trouvent leur place nulle part, comme le montre parfaitement bien Olivier Dorchamps dans ce récit sans faux semblants. L’identité est au coeur de ce livre émouvant et juste, l’identité dont on hérite, celle qu’on se construit, et celle qu’on ignore mais qui fait inconsciemment partie de nous. Ici, les figures paternelles brillent par leur absence : ces hommes courageux, qui nous sont dévoilés petit à petit, qui ont tout sacrifié pour offrir la meilleure vie possible à leurs familles, pour protéger leurs femmes et leurs soeurs, n’hésitant pas à braver les traditions, pourtant très fortes dans la société marocaine.

Olivier Dorchamps nous offre ici un majestueux voyage dans un Maroc réaliste et sans fard, loin des cartes postales et des souks pour touristes, avec en toile de fond les réflexions existentielles d’un personnage balloté par la vie, auquel on s’attache dès les premières lignes. Il nous montre la richesse des cultures marocaines et françaises, leurs différences et leurs limites, sans chercher à en valoriser une plus qu’une autre. C’est la lucidité du personnage sur ce double héritage culturel qui l’amènera à trouver la paix dans l’équilibre instable qui est le sien, en adoptant le meilleur des deux cultures qui sont les siennes sans en renier aucune. Une belle leçon de tolérance, et une histoire magnifiquement écrite qui m’a arraché quelques larmes.


Résumé de l’éditeur:

« Le Maroc, c’est un pays dont j’ai hérité un prénom que je passe ma vie à épeler et un bronzage permanent qui supporte mal l’hiver à Paris, surtout quand il s’agissait de trouver un petit boulot pour payer mes études. »
Marwan est français, un point c’est tout. Alors, comme ses deux frères, il ne comprend pas pourquoi leur père, garagiste à Clichy, a souhaité être enterré à Casablanca. Comme si le chagrin ne suffisait pas. Pourquoi leur imposer ça ?
C’est Marwan qui ira. C’est lui qui accompagnera le cercueil dans l’avion, tandis que le reste de la famille ­arrivera par la route. Et c’est à lui que sa grand-mère, dernier lien avec ce pays qu’il connaît mal, racontera toute l’histoire. L’incroyable histoire.


Un garçon de côté aux allures d’acteur d’après-Guerre, moustache, uniforme noir et tablier blanc comme on n’en voit plus en France, m’aperçoit sans me voir, me salue sans me regarder, et prend ma commande sans m’écouter. Un nousse-nousse et un verre d’eau. Choukrane. Les vieux sont plongés dans Al Massae, le principal quotidien arabe du pays. Quelques uns lisent la presse francophone marocaine, le Matin ou l’Opinion, par nostalgie du temps des Français ou besoin d’entretenir la langue que parlent désormais leurs enfants émigrés en France, en Belgique, en Suisse ou même au Québec, et surtout leurs petits-enfants comme moi. Le reste des clients débat de l’absurdité d’une existence qui les conduit ici chaque matin. Jamais on ne s’emporte, jamais on n’essaie de convaincre ou de s’imposer. On secoue la tête, on rit des yeux, parfois des lèvres, on tire sur sa cigarette en haussant les épaules et en laissant les mains, la fumée et les cendres faire la ponctuation ; inch’Allah, inch’Allah. Il subsiste, dans cette nonchalante manière de passer ses journées à questionner le monde, une trace d’Existentialisme de l’époque des Français que le Fatalisme oriental a transformée en à-quoi-bon.

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