Après avoir été séduite par la plume de Gaëlle Nohant dans La femme révélée, j’étais impatiente de découvrir ce précédent roman historique, dont l’intrigue retrace le grand malheur de l’année 1897, l’incendie du Bazar de la Charité. Ajoutant à la véritable histoire quelques personnages d’une épaisseur romanesque rare, Gaëlle Nohant nous propose ici une reconstitution fidèle de ce Paris de la fin du XIXème siècle, où la noblesse française, déchue de ses privilèges mais vivant comme si le 4 août 1789 n’avait jamais existé, s’apparente à un panier de crabes où la bataille des apparences fait rage. Au milieu des bassesses et des guerres intestines, quelques nobles font exception, et vont s’élever contre ces traditions ineptes : la comtesse de Raezal, la petite Constance d’Estingel, Lazlo de Nérac, et bien sûr, l’illustre duchesse d’Alençon, soeur de l’impératrice d’Autriche.
Dans ce récit, dont le foisonnement des intrigues et des péripéties n’est pas sans rappeler les romans d’Alexandre Dumas, Gaëlle Nohant utilise l’intrigue romanesque et ses personnages de fiction pour nous faire un portrait détaillé de Sophie d’Alençon, femme charismatique ayant dédié son temps aux oeuvres de charité. A travers Violaine de Raezal et Mary Holgart, c’est elle qui transparait, les guidant l’une vers l’autre et leur donnant le courage d’agir quand il le faut. C’est aussi le portrait d’une époque que nous propose l’auteure, cette fin de siècle qui voit s’affronter deux mondes bien distincts : l’ancien, celui de la noblesse et des privilèges qui vit ses dernières heures, et le nouveau, symbolisé par ce cinématographe maudit, la montée en puissance de la bourgeoisie, et la destruction du Palais de l’Industrie, « métaphore de cette fin de siècle condamnée au dépassement perpétuel, précipitant l’avenir dans un présent inquiet où remontait le brouet des vieilles superstitions« .
La part des flammes raconte, avec beaucoup de doigté et de subtilité, l’histoire de ces quelques gens qui, ayant survécu à un terrible drame, voient leur personnalité, leur vie et leurs aspirations changer suffisamment pour les conduire à s’élever contre les codes propres à leur classe – et ce n’est pas sans résonance avec ce que nous vivons actuellement.
Mai 1897. Pendant trois jours, le Tout-Paris se presse à la plus mondaine des ventes de charité. Les regards convergent vers la charismatique duchesse d’Alençon. Au mépris du qu’en-dira-t-on, la princesse de Bavière a accordé le privilège de l’assister à Violaine de Raezal, ravissante veuve à la réputation sulfureuse, et à Constance d’Estingel, qui vient de rompre brutalement ses fiançailles. Dans un monde d’une politesse exquise qui vous assassine sur l’autel des convenances, la bonté de Sophie d’Alençon leur permettra-t-elle d’échapper au scandale ? Mues par un même désir de rédemption, ces trois rebelles verront leurs destins scellés lors de l’incendie du Bazar de la Charité.
Des heures passées dans la bibliothèque à dévorer de préférence ce qu’un précepteur lui eût interdit. Puis à commenter ce butin avec son père, à table, qui s’en effarouchait pour la forme. Tout lire lui avait donné le vertige et une faim grandissante du monde. Elle y avait perdu le peu de déférence qu’on lui avait inculquée. Les livres lui avaient enseigné l’irrévérence et leurs auteurs, à aiguiser son regard sur ses semblables ; à percevoir, au-delà des apparences, le subtil mouvement des êtres, ce qui s’échappait d’eux à leur insu et découvrait des petits morceaux d’âme à ceux qui savaient les voir. Mais la lecture avait aussi précipité sa chute. Quand elle entendait dire que les romans étaient de dangereux objets entre les mains d’une jeune fille, elle ne protestait plus. Puissants et dangereux, oui, car ils vous versaient dans la tête une liberté de penser qui vous décalait, vous poussait hors du cadre. On en sortait sans s’en rendre compte, on avait un pied dansant à l’extérieur et la cervelle enivrée, et quand on recouvrait ses esprits, il était trop tard.
Plus d’informations et de citations sur Babelio.
Je ne connaissais pas du tout cet incendie et j’ai comme toi beaucoup appris….. La lecture offre de manière agréable une multitude d’informations et ça j’aime 🙂
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C’est vrai qu’on plonge dans une époque qu’on connaît assez peu, j’ignorais que la noblesse avait persisté à ce point alors que la Républqiue était déjà bien installée !
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une de mes prochaines lectures, j’ai bien aimé « La femme révélée » donc j’ai envie d’approfondir… J’ai aussi « La légende du dormeur éveillé » en attente 🙂
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Ah oui, j’ai acheté aussi « La légende du dormeur éveillé », on m’en a dit beaucoup de bien !
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