Son village s’appelle Maisoncelles-la-Petite, mais il aurait pu avoir n’importe quel autre nom, tant ils sont, en France, à être laissés pour compte de la même façon. C’est là que vit notre Kelly, femme flamboyante à la rage au coeur contre ce système français qui les enfonce, tous autant qu’ils sont dans leur patelin pourri, oublié de la modernité, pressurisé par l’appareil de l’Etat et le capitalisme financier. Ce livre est l’histoire de leurs luttes quotidiennes pour survivre, sortir la tête de l’eau, aligner quelques euros pour payer encore leurs crédits, jusqu’à ce que ces luttes s’additionnent et se transforment en mouvement, alors qu’ils décident d’occuper un rond-point, gilets jaunes sur le dos.

Kelly, je l’ai aimée et détestée, admirée pour son franc-parler, désavouée pour ses propos toujours vindicatifs, ce flot de venin qu’elle balance à chaque ligne contre cet Etat français dans lequel elle avait placé trop d’espoirs et qu’aujourd’hui elle veut seulement gifler. Alexandre Jardin donne le ton de ce roman dans une préface désabusée, où il raconte comment son engagement avec le mouvement Bleu, Blanc, Zèbre l’a amené à être dégoutté des injustices commises au nom de la loi, des normes, des règles, sans aucun regard pour les hommes et les femmes, dignes représentants du peuple français, qui crèvent dans leurs campagnes. Cette rage qui se déverse sur les pages, c’est sans conteste la sienne, l’accumulation de nombreuses années d’actions citoyennes qui n’ont pas réussi à faire changer le système.

Il n’y a pas à dire, un livre pareil, ça ébranle notre petit parisianisme de privilégié, ça questionne sur notre société dysfonctionnelle, ça remet en cause nos certitudes politiques les plus ancrées. Difficile de faire la part des choses entre ce qui relève du simple coup de gueule et ce qui mériterait d’être reconsidéré au plus haut niveau de l’Etat, mais une chose est certaine : je ne verrais plus la France de la même manière.


Résumé de l’éditeur:

Une effrontée qui se donne le droit d’être elle-même.
Une amoureuse qui consent à toutes ses contradictions.
Une frondeuse assez sage pour être imprudente.
Une Française.


En te découvrant sans fard – oui je te tutoie puisque j’ai vu ton derrière rond, exquis – dans le cellier l’autre jour, voilà ce que j’ai aperçu : une femme impossible car plus-que-vraie, un Mikado d’incompatibilités. Tout ton être exaspère et s’exaspère d’exister, vadrouille dans l’incohérence, rouscaille dans les élans contraires qui freinent. Tu ne désires, Kelly, que pour te brimer, ne déclares que pour te contredire et ne bondis dans une direction que pour piler. Tu te vantes pour sombrer ensuite dans l’excès d’immolation.
Tu es à la dois une brise de Stendhal et des embruns d’Hugo qui n’est pas de notre taille, qui voit trop grand pour nous. Tu as une ouverture de compas extraordinaire.
Tu es odieuse.

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