On ne touche pas, Ketty Rouf, Editions Albin Michel, Rentrée littéraire 2020, The Unamed Bookshelf

Avec ce premier roman d’une grande sensibilité, Ketty Rouf nous offre une histoire haletante qui se lit d’une traite, celle d’une femme qui cherche à échapper à son quotidien humiliant de prof de lycée en passant ses nuits à s’effeuiller sous le regard d’inconnus. De victime, elle cherche à devenir prédatrice, à retrouver confiance en elle en faisant bander les hommes dans ce club de striptease où elle a été embauchée. Poussée à bout, Joséphine décide enfin d’utiliser ce corps qu’elle néglige pour faire quelque chose qu’elle aime, pour devenir quelqu’un d’autre, pour ajouter un peu de magie à son quotidien morne.

Dans un style voluptueux et étourdissant, Ketty Rouf nous propose une réflexion sur la place du corps dans notre société où l’intellect a pris le dessus, sur les tabous qui entourent la nudité et plus encore le fait de vouloir la monétiser. Elle renverse beaucoup de fausses croyances sur les stripteaseuses en dressant le portrait de cette femme en retrait, dans ses pulls informes, férue de philosophie, esprit pur détaché de ce corps qu’elle a besoin de se réapproprier pour être plus heureuse. En opposant effeuillage et Education Nationale, elle pose la question de la hiérarchisation des métiers dans notre société : est-ce vraiment plus noble d’être professeure de lycée, vu les conditions et les maigres résultats ? Ne vaut-il pas mieux faire un métier que l’on aime, quel qu’il soit, plutôt que de se conformer à une injonction sociale ?

J’ai été, pour ma part, très choquée par les conditions de travail en établissement scolaire décrites dans ce roman, et probablement tirées de l’expérience personnelle de l’auteure dans ces établissements. Chaque anecdote nous montre à quel point le système est fait pour rendre les professeurs misérables et les élèves incompétents, en baissant les attentes, en simplifiant les exercices, en tolérant par faiblesse des comportements inadéquats. Pour autant, tout n’est pas perdu puisque certains trouvent des moyens détournés pour apprendre quand même, comme Hadrien et ses lettres pour comprendre la philosophie.

Par la richesse des thèmes abordés, la qualité du style romanesque et la curiosité qu’il suscite, On ne touche pas est un excellent premier roman d’une auteure à suivre !


Résumé de l’éditeur:

Joséphine est prof de philo dans un lycée de Drancy. Elle mène sa vie entre Xanax, Tupperware en salle des profs, et injonctions de l’Éducation nationale qui lui ôtent le sentiment d’exister.

Sauf que.

Chaque nuit, Joséphine devient Rose Lee. Elle s’effeuille dans un club de striptease aux Champs-Élysées. Elle se réapproprie sa vie, se réconcilie avec son corps et se met à adorer le désir des hommes et le pouvoir qu’elle en retire.

Sa vie se conjugue dès lors entre glamour et grisaille, toute-puissance du corps désiré et misère du corps enseignant.

Mais de jouer avec le feu, Rose Lee pourrait bien finir par se brûler les ailes.

Récit d’un affranchissement, réflexion bouleversante sur l’image de soi et le rapport à l’autre, ce premier roman hors norme de Ketty Rouf fait voler en éclats les préjugés sur le sexe et la société.


Cher Hadrien, j’ai envie de te dire que la vie est passionnante, irrésistible, qu’il faut s’y abandonner, la savourer, l’aimer tous les jours, à chaque instant et de plus en plus fort. Mais je me dois de te rappeler aussi qu’elle est triste et répétitive, traversée par la vulgarité, la laideur, la médiocrité. Menacée par la maladie, mise en échec par la mort.
C’est la philosophie qui m’a appris qu’il y a des idées qui sauvent, et d’autres qui peuvent nous perdre. Savoir vivre, c’est choisir les idées qui ne nous perdront pas. Voilà en quoi la philosophie peut nous sauver du malheur d’exister.

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