
Né d’aucune femme a eu un retentissement rare depuis sa parution en grand format, au point d’être décrit par beaucoup comme un véritable chef d’oeuvre. Autant vous dire que mes attentes étaient très hautes quand j’ai ouvert ce livre – et que, même si j’en ai apprécié la lecture, je ne me joindrais pas au coeur unanime de ceux qui l’ont inscrit dans leur Panthéon.
L’histoire de Rose, cette jeune fille de quatorze ans vendue par son père à un maître sadique franchement dérangé, m’a émue, j’ai admiré son courage, tremblé avec elle à chaque montée de l’escalier, sauté de joie à chaque rencontre avec Edmond. L’atmosphère pesante du récit, l’omniprésence de cette nature menaçante, l’alternance des points de vue des différents personnages crée un suspense perturbant, qui nous pousse à continuer à lire tant que nous n’aurons pas eu le fin mot de l’histoire. Dès les premiers chapitres, le ton est donné, c’est énigmatique, tendu, nerveux, on ne sait pas qui parle, ni ne comprenons vraiment ce qu’il dit. Ouvrir ce livre, c’est plonger dans un univers de noirceur comme vous en avez rarement connu dans votre vie, examiner les méandres de l’âme humaine, jusqu’au recoins les plus vils et méprisables.
Une lecture addictive sans aucun doute, avec un style propre, une voix distincte, celle d’un auteur ancré dans la terre, utilisant des lieux et des faits piochés au hasard et qui, mis ensemble, donnent un récit bien ficelé, plein de rebondissements et de rendez-vous manqué – mais un chef d’oeuvre ? C’est peut être trop ambitieux pour moi.
« Mon père, on va bientôt vous demander de bénir le corps d’une femme à l’asile.
– Et alors, qu’y a-t-il d’extraordinaire à cela ? demandai-je.
– Sous sa robe, c’est là que je les ai cachés.
– De quoi parlez-vous ?
– Les cahiers… Ceux de Rose. »Ainsi sortent de l’ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquels elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin.
Les mots, j’ai appris à les aimer tous, les simples et les compliqués que je lisais dans le journal du maître, ceux que je comprends pas toujours et que j’aime quand même, juste parce qu’ils sonnent bien. La musique qui en sort souvent est capable de m’emmener ailleurs, de me faire voyager en faisant taire ce qu’ils ont dans le ventre, pour faire place à quelque chose de supérieur qui est du rêve. Je les appelle des mots magiciens : utopie, radieux, jovial, maladrerie, miscellanées, mitre, méridien, pyracantha, mausolée, billevesée, iota, ire, parangon, godelureau, mauresque, jurisprudence, confiteor, et tellement d’autres que j’ai retenu sans effort, pourtant sans connaître leur sens. Ils me semblent plus facile à porter que ceux qui disent. Ils sont de la nourriture pour ce qui s’envolera de mon corps quand je serai morte, ma musique à moi. C’est peut-être ce qu’on appelle une âme.
Plus d’informations et de citations sur Babelio.
Chef-d’oeuvre, le mot est peut-être un peu fort (de toute façon, c’est un terme que j’ai du mal à employer), mais ça a été une incroyable lecture pour moi, portée par cette écriture belle et puissante. Ta chronique a ravivé tout ça, merci.
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Avec plaisir ! Le terme « chef d’oeuvre » est en effet assez galvaudé, mais je l’ai rarement vu aussi employé que pour ce livre, c’est fou !
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J’entends beaucoup parler de cet auteur et je le vend énormément en librairie, il va falloir que je me fasse mon avis…
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C’est un peu le même raisonnement qui m’a finalement poussée à découvrir ce livre ! Mais ce n’est pas toujours bon d’avoir trop d’attentes pour un livre (ou un auteur)..
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Oui il faut essayer de rester neutre pour ce faire son avis mais ce n’est pas toujours simple entre les ressentis des lecteurs et les articles de presses….
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C’est tout à fait ça, ce qui m’amène souvent à privilégier des livres dont j’ai peu ou pas entendu parler pour ne pas être déçue
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Pas un chef-d’œuvre pour moi mais un coup de ❤️ pour moi car j’ai eu réellement un coup au coeur en le lisant surtout pour l’écriture dans un domaine si noir…. Un chef-d’œuvre pour moi est un ouvrage qui traverse le temps et reste une référence… Par exemple Les raisins de la colère de John Steinbeck 😉
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On est d’accord ! Pour moi un chef d’oeuvre est un livre qui retourne littéralement le cerveau, qui reste des années après avoir été lu comme un des livres les plus bouleversants jamais lus !
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j’ai depuis longtemps envie de le lire, j’attends toujours un petit peu car j’ai peur d’avoir trop d’attente, mais ce sera quand même une lecture 2020…ce que tu décris c’est tout ce que j’aime!
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Tes attentes ne vont peut être pas diminuer avec le temps.. Parfois, il faut se lancer ! J’espère qu’il te plaira en tout cas !
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J’ai sauté le pas, et je ne suis pas déçue ❤
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J’en suis ravie !!
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Je crois que je suis un peu comme toi… Je ne l’ai toujours pas lu mais à force d’en entendre parler de tous les côtés, j’ai un peu peur d’être déçue !
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