Lumière d'été puis vient la nuit Jón Kalman Stefánsson Editions Grasset Rentrée littéraire 2020 The Unamed Bookshelf

Par amour pour Jón Kalman Stefánsson, dont j’avais absolument adoré Asta, je suis allée au bout de cette lecture – et finalement, je dois dire que ce livre est comme le village qu’il décrit, il ne s’y passe pas grand chose, mais à la longue, on s’y sent bien. Ce récit n’est qu’une collection de fragments de vies épars, d’anecdotes de village racontées sur le ton de la plaisanterie et au mépris le plus strict de la chronologie. Amourettes, adultères, projets personnels, retrouvailles, disparitions et changements de vie : les vies ordinaires de ces villageois islandais regorgent finalement de rebondissements en tous genre, malgré le calme apparent du paysage environnant. Ce village n’a qu’une particularité, souligne l’auteur dès le chapitre introductif, il n’a ni église ni cimetière, ce qui est parfois donné comme raison suffisante à la surprenante longévité des habitants du cru.

Entrecoupant les mésaventures des habitants de réflexions personnelles, Jón Kalman Stefánsson nous partage ses réflexions sur nos vies actuelles, « modernes » pourrait-on dire même si parler de modernité quand on évoque ce petit village islandais est sans doute présomptueux. Il nous parle de la vacuité de nos vies guidées par la consommation de masse et le confort égoïste, du sens de la vie que nous avons perdu, de l’espace entre la vie et la mort où les fantômes se réfugient parfois pour venir nous hanter. La morale de l’histoire, ou des « historiettes » devrais-je dire, apparaît très clairement dans ces chapitres qui servent d’intermèdes : nous courrons à notre perte si nous continuons à vivre ainsi, il faut revenir aux choses simples, profiter du paysage d’un fjord sous la pluie, délaisser les écrans pour parcourir la lande, se dédier au travail de la tête et à l’engagement pour un monde meilleur. Joli manifeste que celui-ci, mais j’ai été bien en peine de le relier aux aventures de Davíð, Sólrún, Jónas, Ágústa, Elísabet ou Kristín.

Avec un flegme islandais caractéristique et son habituel humour fantaisiste, Jón Kalman Stefánsson nous dresse un portrait attendrissant d’une petite communauté campagnarde, avec son mode de vie révolu, sa nostalgie pour le passé et son évolution bancale au fil des années. Un récit calme et drôle, qui s’étire en longueur pour illustrer des idées pourtant explicitées dès les premiers chapitres.


Résumé de l’éditeur:

Dans un petit village des fjords de l’ouest, les étés sont courts. Les habitants se croisent au bureau de poste, à la coopérative agricole, lors des bals. Chacun essaie de bien vivre, certains essaient même de bien mourir. Même s’il n’y a ni église ni cimetière dans la commune, la vie avance, le temps réclame son dû.
Pourtant, ce quotidien si ordonné se dérègle parfois  : le retour d’un ancien amant qu’on croyait parti pour toujours, l’attraction des astres ou des oiseaux, une petite robe en velours sombre, ou un chignon de cheveux roux. Pour certains, c’est une rencontre fortuite sur la lande, pour d’autres le sentiment que les ombres ont vaincu – il suffit de peu pour faire basculer un destin. Et parfois même, ce sont les fantômes qui s’en mêlent…
En huit chapitres, Jón Kalman Stefánsson se fait le chroniqueur de cette communauté dont les héros se nomment Davíð, Sólrún, Jónas, Ágústa, Elísabet ou Kristín, et plonge dans le secret de leurs âmes. Une ronde de désirs et de rêves, une comédie humaine à l’islandaise, et si universelle en même temps. Lumière d’été, puis vient la nuit charme, émeut, bouleverse.


Pourquoi vivons-nous, existe-t-il une réponse à cette question ? Certains soirs, avant que le sommeil nous gagne, quand le jour et son agitation ont pris fin, allongés dans nos lits, nous écoutons les battements de notre sang, la nuit entre les fenêtres, et tout à coup s’éveille le soupçon insistant et désagréable que nous n’avons pas mis la journée à profit comme il se doit, qu’il y a une chose que nous aurions dû faire, mais dont nous avons oublié jusqu’à la nature. Ne vous est-il jamais arrivé de vous dire que jamais dans l’Histoire nous n’avons vécu dans un tel confort, que l’individu n’a jamais eu à ce point la possibilité d’influer sur son environnement, qu’il n’a jamais été aussi simple de s’engager, mais que la volonté de le faire n’a jamais été aussi rare – comment se fait-il ? Se pourrait-il que la réponse se trouve dans une autre question : quels sont ceux qui tirent profit d’une telle situation ?

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