
Dans Contre-nature, Cathy Galliègue nous évoque trois destins de femmes, Leïla, Pascale et Vanessa, qui n’avaient aucune raison de se rencontrer un jour, mais que la prison va rapprocher malgré elles, à travers leur attrait partagé pour les livres, et notamment Vernon Subutex. A l’occasion d’un atelier d’écriture, elles décident en effet de coucher sur le papier leurs histoires entremêlées, non pas celles qu’elles ont passivement écouté lors de leurs procès respectifs mais l’histoire qu’elles ont vécues, elles, de l’intérieur, avec leurs traumatismes tus et leur renoncement anticipé.
Très largement inspiré de Dominique Cottrez, femme obèse ayant tué huit de ses enfants à la naissance, le personnage de Pascale perturbe, questionne, dégoutte d’abord. Mais Cathy Galliègue réussi un tour de force en parvenant à nous la rendre sympathique, à nous obliger à l’empathie et à la prise de recul, à nous faire réfléchir à ce qu’elle a ressenti, cette femme qu’on a insulté en salle d’accouchement à cause de son poids. D’une manière générale, ce qui ressort des trois personnages principaux de ce roman, c’est leur humanité, leur résilience, leur envie d’être acceptées et aimées, avec leurs défauts et leur passé – des sentiments universels en somme, qui gomment le fossé entre détenues et femmes libres.
Finalement, j’ai été frustrée que l’exploration des pensées, des sentiments et des histoires de Leïla, Pascale et Vanessa s’arrête si vite. Après être allée si loin dans l’intimité de ces personnages de femmes atypiques d’une grande richesse, j’avais envie de continuer à les accompagner encore un peu, j’avais envie de savoir où les mènerait ce livre qu’elles ont écrit à six mains. Finir un livre en étant frustrée de ne pas pouvoir le continuer est probablement un signe qu’on l’a aimé, même s’il est difficile de dire les choses aussi simplement quand il s’agit de sujets aussi graves.
Trois femmes sont incarcérées dans la même prison. C’est là, dans la bibliothèque du centre pénitentiaire, que Pascale, Vanessa et Leïla se rencontrent.
Captives de leur condition humaine et des préjugés, elles ont chacune une manière différente de vivre leur détention. Il y a celle qui se pose en redresseuse de torts, celle qui voudrait faire oublier le sort réservé à ses bébés, celle qui imagine que les livres les sauveront toutes les trois. Sensibiliser Vanessa à la lecture et vaincre les réticences de Pascale, tels sont les défis que se lance Leïla.
Alors qu’elles n’ont rien en commun, qu’elles ne cherchent pas l’amitié, la pratique cathartique de l’écriture va leur donner l’occasion d’établir une relation, d’évoquer la violence qui les a conduites à l’enfermement.
Cathy Galliègue vit en Guyane, où elle dirige le Labo des histoires. Contre nature est son troisième roman après La nuit, je mens (Albin Michel, 2017) et Et boire ma vie jusqu’à l’oubli (Emmanuelle Collas, 2018).
Il ne pouvait pas savoir que chez nous, mon père était, depuis son arrivée en France, un grand adorateur de la langue de Molière, qu’il l’avait découverte lorsqu’il avait été embauché comme magasinier dans une grande maison d’édition parisienne et que nos murs étaient tapissés de ce que compte de plus grand la littérature française. « Regarde, m’a-t-il dit, regarde comme nous sommes riches ! Ça vaut tous les trésors du monde, tu sais, habibte, ça vaut tous les meubles inutiles et très chers, toutes ces choses qui ne servent à rien. On n’a besoin que de ça, retiens bien, un lit pour dormir, un sofa pour recevoir les amis et la famille, ce qu’il faut pour préparer les repas, un bon fauteuil pour lire, et beaucoup, beaucoup de livres. C’est tout, tout est là. »
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