Tout ira bien, Damian Barr, Cherche midi éditeur, Rentrée littéraire 2020 The Unamed Bookshelf

Pour son entrée dans le monde de la fiction, Damian Barr s’attaque à un sujet d’envergure : l’Afrique du Sud, dont l’histoire tourmentée ne manque pas de dérouter le lecteur. Croisant deux histoires de vies à plusieurs dizaines d’années d’intervalle, il nous parle des premiers camps de concentration de l’histoire, de ceux, déguisés, qui existent encore aujourd’hui, et de la ségrégation tenace entre colons blancs historiques et kaffirs noirs. A travers les destins de Sarah van der Watt, enfermée avec son fils dans un camp lors de la Seconde Guerre des Boers, et de Willem, petit garçon sensible et trop gâté envoyé par sa mère dans un camp d’entraînement de l’extrême droite pour y devenir un homme, c’est tout un pays qui se dévoile dans sa complexité, illustrant notre méconnaissance de son histoire et de ses enjeux.

Si cette lecture n’a franchement pas été simple vu le contexte, je dois dire que je l’ai trouvée très instructive, d’un point de vue historique et politique, puisqu’elle m’a permis de découvrir une période, une guerre et un pays que je connaissais à peine. Damian Barr nous décrit patiemment la réalité de l’époque, les enjeux sous-jacents de ces guerres des Boers, leurs répercutions sur la vie d’aujourd’hui, et bien sûr l’évolution du pays après l’apartheid et la fin officielle des discriminations, afin de nous donner un aperçu de la complexité de ce territoire malmené par les puissances coloniales et encore profondément blessé. Si je reste persuadée que le style est probablement meilleur en langue originale, ça s’en reste pas moins un récit qui se lit bien, et permet d’élargir nos horizons et connaissances.

Par un entrecroisement habile de ses personnages, Damian Barr nous montre que la violence n’engendre que la violence, inversant les rôles au cours de l’Histoire, transformant les enfants de victimes en bourreaux assoiffés de vengeance.


Résumé de l’éditeur:

1901. Afrique du Sud. Une guerre sans merci oppose l’armée britannique et les premiers colons. Sarah van der Watt et son fils sont emmenés de force dans un camp de détention. La dernière chose que voit Sarah, tandis que les soldats anglais mettent le feu à leur ferme, est sa précieuse bibliothèque réduite en cendres. À leur arrivée au camp, le commandant se veut rassurant. C’est pour leur sécurité que les habitants ont été regroupés, on leur assure que « tout ira bien ». Dans les faits, c’est la naissance du premier camp de concentration de l’histoire…

2010. Willem, 16 ans, ne veut qu’une chose dans la vie, rester seul avec ses livres et son chien, et demande qu’on lui fiche la paix. Inquiets pour lui, sa mère et son beau-père l’envoient au camp « Aube Nouvelle », où on accueille des garçons pour en faire des hommes. Virils. Ici, lui assure-t-on, « tout ira bien ».

Ce qui lie ces deux drames ? Il faudra se plonger dans ces pages bouleversantes, vibrantes de colère et d’espoir, pour le découvrir.

Tout ira bien, dont le Guardian a loué « la sagesse et l’infinie poésie », célèbre les forces de ténacité et de résilience de l’esprit humain, dans un monde où l’histoire se répète, le plus souvent pour le pire.


Depuis que tu es parti – n’était-ce vraiment qu’il y a une semaine ? – nous pouvons sentir la fumée. Nous nourrissons les déplacés qui mendient à notre portail. Femmes, enfants et Kaffirs. Un peu plus chaque jour. Nous donnons ce que nous pouvons et écoutons leurs récits – ils ne peuvent pas tous être vrais. Les Anglais sont, après tout, de la même race que nous. Ils partagent notre foi, à défaut de notre dévotion. Notre Père est le leur. Ils perdent partout mais tu n’es nulle part et cela les rend fous. Je savais que tu allais partir lorsque les ordres de Lord Roberts ont fini par arriver à nos oreilles : « Il est absolument essentiel de les forcer tous à la soumission et il est désormais évident que celle-ci ne peut être obtenue que par des mesures drastiques. Vous devez, je vous prie, ne montrer aucune merci, et ce que vous ne pouvez emporter, vous devez le détruire… »

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