Les Vilaines Camila Sosa Villada Éditions Metailié Janvier 2021 The Unamed Bookshelf

Les Vilaines, ce sont des bribes de vies, des moments volés, de grandes anecdotes, qui racontent, au jour le jour, la genèse et le quotidien des trans : le rejet et l’incompréhension de la famille, le choix décisif de cesser d’être un homme, la prostitution inévitable, la sororité puissante de celles qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes, l’abus d’alcool et de drogues pour faire passer la nuit, le sida qui les guette, et les quelques moments de fête, de rires et de plaisir qui les rendent fières d’être ce qu’elles sont. Au milieu de tout ça, Tante Encarna, leur mère à toutes, celle qui les as accueillies dans sa pension aux murs roses, trouve un enfant dans le Parc, qu’elle décide de garder et d’élever elle-même, quelles qu’en soient les conséquences.

Réaliste souvent, autobiographique parfois, mais aussi fantastique de temps en temps, ce roman oscille avec dextérité entre plusieurs styles, questionnant tour à tour notre capacité d’empathie, notre imagination plus ou moins débordante et l’inévitable admiration que nous ressentons à la lecture pour ces femmes qui ont le courage d’être elles-mêmes. D’un grand lyrisme, ce texte est une ode à la vie des trans, cette fête perpétuelle si cher payée, une plongée dans leur intimité et leurs pensées, une mise à un de leurs faiblesses et de leur incroyable urgence de vivre selon leurs propres règles.

Avec Les Vilaines, Camila Sosa Villada raconte des femmes qui choisissent de voir toujours la vie du bon côté, et de se battre pour montrer leur corps tel qu’elles le voient elles-mêmes, dans faire de compromis face au regard des autres. Ce superbe premier roman est un livre d’une intensité rare, flamboyant, noir et joyeux à la fois – un coup de maître.


Résumé de l’éditeur:

La Tante Encarna porte tout son poids sur ses talons aiguilles au cours des nuits de la zone rouge du parc Sarmiento, à Córdoba, en Argentine. La Tante – gourou, mère protectrice avec des seins gonflés d’huile de moteur d’avion – partage sa vie avec d’autres membres de la communauté trans, sa sororité d’orphelines, résistant aux bottes des flics et des clients, entre échanges sur les derniers feuilletons télé brésiliens, les rêves inavouables, amour, humour et aussi des souvenirs qui rentrent tous dans un petit sac à main en plastique bon marché. Une nuit, entre branches sèches et roseaux épineux, elles trouvent un bébé abandonné qu’elles adoptent clandestinement. Elles l’appelleront Éclat des Yeux.

Premier roman fulgurant, sans misérabilisme, sans auto-compassion, Les Vilaines raconte la fureur et la fête d’être trans. Avec un langage qui est mémoire, invention, tendresse et sang, ce livre est un conte de fées et de terreur, un portrait de groupe, une relecture de la littérature fantastique, un manifeste explosif qui nous fait ressentir la douleur et la force de survie d’un groupe de femmes qui auraient voulu devenir reines mais ont souvent fini dans un fossé. Un texte qu’on souhaite faire lire au monde entier qui nous rappelle que « ce que la nature ne te donne pas, l’enfer te le prête ».


En attendant, nous étions des Indiennes maquillées pour aller à la guerre, des fauves prêtes à chasser, la nuit, ceux qui étaient assez imprudents pour s’aventurer dans la gueule du Parc. Et nous étions toujours fâchées, rudes, même pour la tendresse, imprévisibles, folles, rancunières, fielleuses. Et puis, il y avait cette envie perpétuelle de mettre le feu à tout : à nos parents, à nos amis comme à nos ennemis, aux maisons de la classe moyenne avec leur confort et leurs routines, aux jeunes de bonne famille qui avaient toujours la même tête, aux vieilles grenouilles de bénitier qui nous méprisaient tant, à nos masques qui coulaient, à notre propre rage peinte sur la peau, la rage contre ce monde qui voulait rien entendre, qui se payait sa bonne santé sur notre dos, et allait jusqu’à nous sucer la vie avec tout cet argent qu’ils avaient et que nous n’avions pas.

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