
Entremêlant les destins de deux couples de danseurs, Marie Charrel nous entraîne, dans Les danseurs de l’aube dans un flamenco endiablé, à travers les siècles, les pays européens et les identités préconçues. Venu à Hambourg pour mettre ses pas dans ceux de son idole, Sylvin Rubinstein, Lukas tombe par hasard sur la flamboyante Iva, jeune femme romaine habitée par le duente, cette force mythique qui fait les grands danseurs de flamenco. Ensemble, ils parcourront l’Europe à la recherche d’eux-mêmes, partageant au passage l’unique destin de leurs modèles, dont ils ont repris les noms de scène, Sylvin et Maria Rubinstein.
Dans ce livre, j’ai retrouvé tout ce que j’aime : le croisement de la grande et de la petite histoire, les questionnements existentiels sur la vie et son sens caché et la vivacité d’un style d’écriture qui prend aux tripes et qui transporte. Du début jusqu’à la fin, j’ai été absorbée par les destins de ces quatre personnages hauts en couleur : Sylvin, le danseur-résistant téméraire et sentimental, Maria, la flamenca disparue incarnée par son frère jumeau sur les scènes de Sankt Pauli, Lukas, androgyne à l’identité trouble en quête de lui-même à travers la danse, et Iva, fougueuse danseuse passionnée rêvant de trouver son cuadro en Andalousie. Inarrêtables, ils avancent sur le chemin de la vie en tapant des pieds sur le sol, imposant leur rythme et leur personnalité, quelques soient les obstacles qui se dressent devant eux.
A travers ce livre, Marie Charrel propose également une critique de notre société, corrompue par les « hommes en noir » que dénoncent nos danseurs de l’aube. Elle imagine un élan de solidarité, un mouvement protestataire pacifique s’inspirant du pouvoir symbolique de la danse pour encourager les peuples à se soulever contre l’ordre établi, à renverser le capitalisme, à mettre à bas les institutions nous enfermant dans leur carcan. Malgré eux, nos jeunes héros se retrouvent à lutter contre le système comme Sylvin Rubinstein a lutté contre les nazis, devenant les symboles d’une génération nouvelle, d’un monde en mouvement. Une facette de plus à ce récit d’une richesse éblouissante, où les faits réels sont habilement intégrés à l’imaginaire pour apporter une profondeur inédite à l’histoire des ces danseurs de flamenco d’hier et d’aujourd’hui.
EUROPE CENTRALE – ANNEES TRENTE. Après avoir fui la révolution russe, les jumeaux Sylvin et Maria Rubinstein se découvrent un talent fulgurant pour le flamenco. Très vite, Varsovie, Berlin et même New York sont à leurs pieds. Lorsque le Continent sombre dans la guerre, les danseurs sont séparés, et Maria disparaît. Pour venger sa sœur tant aimée, Sylvin ira jusqu’à se glisser dans la peau d’une femme. Et c’est ainsi travesti qu’il s’engage dans la Résistance pour lutter contre les nazis.
HAMBOURG – 2017. Lukas, jeune homme à l’identité trouble, rencontre la sulfureuse Iva sur la scène où Sylvin dansait autrefois. Fuyant leur passé, ils partent à leur tour en road-trip dans l’Europe interlope. Au fil des cabarets, leur flamenco incandescent et métissé enflamme les passions. Mais il suscite, aussi, la violence et l’intolérance. Jusqu’à ce que Lukas commette l’irréparable pour protéger Iva…
À près d’un siècle de distance, Marie Charrel retrace le destin d’artistes épris de liberté, rattrapés par la folie du monde. Mais prêts à se battre jusqu’au bout pour défendre qui ils sont.
Sylvin Rubinstein aurait dû mourir mille fois ; pourtant, il se tenait toujours debout. Il avait vu Hambourg renaître de ses cendres après la guerre, lorsqu’il avait fallu tout reconstruire. Il était là quand le port avait retrouvé sa superbe et avec lui, tout près, les rues de la joie, les clubs et bars où les marins épuisés venaient se chavirer les sens de parfums, couleurs et caresses. Il fut l’un des premiers à frôler les planches des cabarets, à faire revivre la ferveur d’antan de ses pas de danse, cette folie propre aux nuits de Hambourg. Lui qui avait vu le coeur de l’homme et réchappé à l’enfer avait ramené la vie dans Sankt Pauli en déposant un baiser splendide sur ses nuits. Sylvin Rubinstein était une force de la nature, un excentrique et un survivant : tout cela, mais aussi un danseur amoureux du flamenco, un travesti, un brigand chic, un polyglotte ambivalent, débordant de générosité autant que de colère. Il était tout ce que l’Europe n’est plus. Un mythe.
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Beaucoup aimé également et le parallèle entre les deux époques est très bien construit 🙂
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Tout à fait d’accord, c’est très bien fait et ça a beaucoup de sens !
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