L’Oiseau Moqueur Walter Tevis Éditions Gallmeister Anticipation Science-fiction The Unamed Bookshelf

Dans un futur peu enviable où l’assistanat des humains a pris un tour dramatique, offrant les pleins pouvoir aux robots de diverses catégories, un homme redécouvre la possibilité de lire, exhumant des bibliothèques en ruines quelques ouvrages du passé, qui lui laissent entrevoir une société bien différente de celle dans laquelle il a grandi. Alors que la race humaine périclite, que la culture a été oubliée depuis longtemps, Paul Bentley se détache de l’apathie imposée à tous à coups de drogues, de méditations solitaires et d’individualisme forcené, redécouvrant petit à petit les émotions humaines, le plaisir de la connaissance, et la félicité amoureuse, jusqu’à renverser le cours de l’histoire…

Walter Tevis, auteur également du Jeu de la Dame, signe ici un roman d’anticipation troublant, poussant à l’extrême les tendances déjà à l’oeuvre dans nos sociétés contemporaines : consumérisme, recherche de plaisirs faciles, recours aux psychotropes, éclatement des liens sociaux historiques, montée en puissance de l’individualisme, automatisation galopante – et j’en passe. Avec ce livre, c’est une réflexion plus large qu’il initie sur la nature sociale de l’être humain, sur l’ambivalence entre notre besoin de solitude récurrent et notre dépendance aux autres, notre soif de contacts, aussi bien physiques que psychologiques et intellectuels. C’est leur progressive ouverture aux émotions et aux sentiments nouveaux qui permet à Mary-Lou et Paul, nos deux héros, d’acquérir une conscience, une vision du monde et d’affirmer leur capacité de changement, leur personnalité propre. Leur naïveté est confondante et pourtant terriblement touchante, elle nous ramène à ce qui fait de nous des êtres humains : nous sommes indubitablement des animaux sociaux, comme l’a dit Aristote.

D’abord déroutée par le style d’écriture, étrangement enfantin au début du récit, j’ai fini par comprendre, à mesure que l’écriture se faisait plus riche et plus précise, que l’auteur avait voulu, à travers le texte lui-même, nous faire ressentir l’abominable éventualité d’un monde sans livres et sans lecture. A mesure que les personnages sortent de leur ignorance, qu’ils gagnent en instruction, lisant de plus en plus, l’écriture s’accorde avec ce nouveau état des choses, élargissant son vocabulaire, ses tournures de phrases, adoptant un ton plus soutenu, jusqu’à nous offrir un épilogue très poétique.


Résumé de l’éditeur:

« Pas de questions, détends-toi ». C’est le nouveau mot d’ordre des humains, obsédés par leur confort individuel et leur tranquillité d’esprit, déchargés de tout travail par les robots. Livres, films et sentiments sont interdits depuis des générations. Hommes et femmes se laissent ainsi vivre en ingurgitant les tranquillisants fournis par le gouvernement. Jusqu’au jour où Paul, jeune homme solitaire, apprend à lire grâce à un vieil enregistrement. Désorienté, il contacte le plus sophistiqué des robots jamais conçus : Spofforth, qui dirige le monde depuis l’université de New York. Le robot se servira-t-il de cette découverte pour aider l’humanité ou la perdre définitivement ?


Mais plus que tout, je le sais maintenant, rien n’aurait été possible si je n’avais pas eu le courage d’accepter et d’analyser les sentiments qui sont nés lentement en moi, d’abord dans l’ancienne bibliothèque à la projection de ces images émotionnellement si riches, puis à la lecture des poèmes, des romans, des livres d’histoire, des biographies et des ouvrages de bricolage que j’ai trouvés plus tard. Ce sont tous ces livres, même les plus ennuyeux et les plus hermétiques, qui m’ont aidé à comprendre ce que cela signifiait d’être un être humain. Et j’ai aussi appris, à travers le sentiment de sidération que j’éprouve parfois quand j’ai l’impression d’entrer en contact avec l’esprit d’une personne morte depuis longtemps, que je n’étais pas seul sur cette terre. D’autres ont ressenti ce que je ressens, ceux qui, à certaines époques, ont réussi à dire l’indicible.

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