La dignité des ombres, Mathieu Niango, Editions Julliard, The Unamed Bookshelf, Anticipation, Démocratie, Roman

A première vue, Nimrod semble être l’idéal de la société démocratique, où tous les habitants prennent part aux décisions de leur quartier et de la cité. Tous ? Non, ce serait oublier les « Ombres », relégués aux marges de cette société idéale par leur incapacité à égaler le savoir-faire des machines. Ayant grandi dans cette société, Cham, Porte-Lumière chargé de la sécurité de la cité, ne questionne pas tellement cet ordre établi jusqu’à ce que d’étranges disparitions l’amènent à enquêter sur le fonctionnement réel de cet Eldorado futuriste et à en découvrir quelques rouages pour le moins déroutants…

Saisissantes de réalisme, les descriptions de Matthieu Niango nous projettent en un rien de temps dans ce monde possible régi par une stricte hiérarchie. A peine quelques pages, et on s’y croirait. Contrairement à de nombreux livres de science-fiction, ici nulle besoin de chapitres entiers décrivant l’univers imaginé par l’auteur : il nous plonge immédiatement dans une intrigue pleine de suspense et de rebondissements, distillant au fur et à mesure les clés dont nous avons besoin pour avancer dans le récit. Résultat : c’est un livre absolument addictif, impossible à lâcher une fois entamé, tant il nous tarde d’avoir le fin mot de l’histoire.

Montrant les limites du fonctionnement soit-disant méritocratique et égalitaire de Nimrod, Matthieu Niango nous montre la difficulté inhérente à l’établissement d’un système véritablement démocratique, où chacun possède une parfaite égalité des chances. Certains principes de fonctionnement nous semblent être d’excellentes idées, jusqu’à ce qu’il les renversent en nous en dévoilant les failles. Il nous propose finalement une réflexion très vraie sur nos sociétés actuelles, sur ce qui serait, pour nous, un idéal démocratique et sur la place que chaque être humain doit occuper au sein de la cité pour s’épanouir et vivre dignement. Un livre intelligent, palpitant et dépaysant – c’est assez rare pour être salué !


Résumé de l’éditeur:

Dans un lointain futur, la ville de Nimrod ne survit que grâce à l’énergie vitale du feu. En apparence, c’est un modèle de démocratie où les citoyens élaborent et votent les lois en toute transparence. Mais le feu, qui alimente la cité et la protège de créatures menaçantes, reste un secret jalousement gardé. L’étrange disparition d’un jeune homme, la multiplication des vols de torches et l’apparition d’un énigmatique graffiti contestataire vont changer la donne. Cham, enquêteur, doit faire toute la lumière sur ces événements aussi mystérieux qu’inhabituels.
Entre science-fiction, thriller et anticipation écologico-politique, ce roman à l’imaginaire débordant nous plonge dans un univers atemporel qui interroge en creux les failles et les faux-semblants des sociétés démocratiques.


– Pour Noa, il faut bâtir la vie en commun à partir de ce qui est accessible à tous. Le chercher d’abord, puis élever une société là-dessus. On a voulu construire des civilisations sur l’intelligence, donner les premières places aux plus savants. D’autres sur l’argent. Nous, sur le feu. Autant de systèmes par essence inégalitaires qui prônent ce qui n’est pas à la portée de chacun. Si les humains étaient tous capables de faire rire, à condition de s’en donner les moyens, eh bien, ce serait sur la capacité comique qu’il faudrait construire la société. Si nous étions tous potentiellement artistes, ce qui est peut-être le cas, voilà ce que nous devrions évaluer pour distribuer les places. L’idéal était à ses yeux une société qui ferait de l’amour sa vertu cardinale, où l’on récompenserait les plus bienveillants. Mais il y a aussi bien du danger sur cette route, disait-elle. Quand les gens surgissent et beuglent : « Il faut être brutal, tout le monde en est capable. Nous récompenserons cela. »

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