La Vie Seule Stella Benson Editions Cambourakis The Unamed Bookshelf 2020

Quelle charmante curiosité littéraire ! Dans un petit mot introductif, Stella Benson nous informe de la teneur de l’ouvrage : « Ceci n’est pas un vrai livre. Il ne parle pas de vraies personnes. » Même si nous voilà bien prévenus, nous sommes encore bien loin de nous douter des merveilles dont regorge ce petit ouvrage. Une sorcière intrépide vivant d’improbables aventures au-dessus des nuages, des comités caritatifs grotesques et moralisateurs, des femmes seules rêvant de convoler avec des soldats de la Reine, et des dialogues plus loufoques les uns que les autres, faits pour nous faire rire et réfléchir. Vous l’aurez compris, il est particulièrement difficile de résumer ce récit – et franchement, autant vous en laisser la surprise.

C’est avec délectation que je me suis plongée dans ce roman fantaisiste, en admirant la prose de l’autrice qui parvient à faire de chaque phrase un trait bien senti, qu’il soit humoristique ou satirique. La société anglaise que dépeint Stella Benson est véritablement désespérante mais n’en est pas moins complètement hilarante. Minés par des années de guerre, les Anglais – et surtout les Anglaises – cherchent à tromper l’ennui du quotidien en participant à des comités dont la charité n’est que purement théorique. Quand soudainement, une sorcière surgit lors d’une de leurs réunions, les membres du comité se font une joie de s’emparer de cette distraction, et se pressent à la porte de leur nouvelle connaissance.

A travers ce personnage délirant, c’est toute une critique de la société de l’époque que nous propose Stella Benson. En décrivant une femme libre comme l’air, prenant ses propres décisions, insensible à la justice des hommes, elle dénonce une société dépassée par les mouvements du siècle, incapable de s’adapter aux bouleversements sociaux que la guerre a provoqué. En nous emmenant dans des pays rêvés – et pourtant manifestement réels pour nos protagonistes – où vivent des fées et des dragons, c’est la débandade du système économique et social qu’illustre l’autrice. Chaque anecdote peut être interprétée de mille façons, et je sais que je relirais un jour ce livre pour essayer d’en percer tous les mystères. En attendant, j’ai passé un charmant moment en compagnie de ces personnages totalement dingues, et je suis ravie d’avoir pu découvrir la prose piquante de Stella Benson !


Résumé de l’éditeur:

Londres, 1918 : la guerre n’en finit pas, les bombardements tétanisent la ville. Solitaire, désargentée et de santé vacillante, Sarah Brown œuvre sans grande conviction au sein d’un comité de bienfaisance où les ladies de la bonne société dispensent aux pauvres une charité assortie de leçons de morale. La magie va faire irruption dans son morne quotidien lorsqu’une sorcière lui propose de s’installer à La Vie Seule, la curieuse pension dont elle est la tenancière. Aventures fantastiques et rencontres plus ou moins enchanteresses succéderont à cette installation, qui éclaireront pour quelque temps, à défaut de l’abolir, l’essentielle solitude de Sarah Brown.
Mêlant incursions satiriques, politiques et sociales à des considérations sur l’intime, l’espace domestique, les liens sociaux et les relations humaines, La Vie Seule est une délicieuse curiosité littéraire, qui exalte les vertus de l’indépendance et la fonction réparatrice de la magie.


Ils n’avaient plus assez de force pour rentrer chez eux et firent un atterrissage forcé dans la solitude argentée des jardins de Kensington. C’était un endroit heureux car il est rempli de magie. Partout où il y a des enfants qui jouent à faire semblant, il y a de la magie qui grandit dans l’air ; ainsi, le vent des jardins de Kensington est ivre de sorts et le bassin rond, plein de grandes armées de fiction, traversé de long en large par des navires débordant de trésors et de romances, est un lieu béni pour les gens magiques.

Plus d’informations et de citations sur Babelio.