Né dans les confins, Valentin fait partie d’une multitude imparfaite, isolée et exclue de la Cité, où vit la nomenklatura, privilégiés qui régissent la vie de tous. Il s’y retrouve avec sa mère, enfermé et sans nom, attendant d’être accepté dans cette nouvelle société dont il se sent irrémédiablement exclu. Des bouges les plus infâmes de la Cité aux plus hauts sommets de la monarchie, commence alors la quête de Valentin, une quête d’acceptation, de liberté, de désir, de justice, d’amour, de sécurité – c’est un peu tout à la fois dans ce monde complexe sorti de l’imaginaire de Diana Filippova.

Ce titre ambivalent, L’Amour et la Violence, questionne nos rapports humains, et cette volonté aujourd’hui presque universelle d’éradiquer la violence pour favoriser la paix. Dans ce récit, l’amour est essentiel à l’engagement des personnages, à leur entrée dans une rébellion en faveur de la multitude, et la violence, indispensable à l’expression de leur liberté et de leur désir. Finalement, pourrions-nous faire société sans amour et sans violence ? Diana Filippova apporte pour toute réponse l’exemple d’une société pacifique, gangrenée par les intérêts individuels, où l’irréel, accessible librement aux privilégiés, et imposés aux gens des confins, permet de garder tout le monde dans une indolence soit-disant préférable à la violence.

C’est un roman qui m’a semblé furieusement intelligent, décortiquant des enjeux politiques complexes inventés de toutes pièces, plongeant au plus profond de la psychologie de personnages fictifs mais néanmoins très torturés. Dans ce récit, le diable semble être dans les détails, et charge au lecteur d’assembler les indices pour en comprendre le dénouement, sans se laisser troubler par l’inexactitude possible des souvenirs racontés par le narrateur. En refermant ce livre, j’ai eu le sentiment de ne pas avoir tout compris, et ça continue à me travailler, à tel point que je n’ai qu’une envie : recommencer cette lecture plus tard, crayon à la main, pour reconstituer le puzzle. Avoir envie de relire un livre alors qu’on vient seulement le terminer, n’est-ce pas une belle preuve qu’on l’a aimé ?


Résumé de l’éditeur:

Valentin a l’âge d’aller à l’école et n’a toujours pas de nom. Pas de nom, pas d’existence dans la Cité où sa mère et lui sont entrés par effraction avant que le régime de séparation relègue la multitude à son sort. Bien décidé à accomplir son ascension très haut, tout en haut, il est rattrapé par le passé de sa mère, les soubresauts de sa mémoire, les tremblements d’une société obsédée par l’ordre, la paix et la volupté. Par le réel et l’irréel. Par Arsène, surtout, que Valentin rencontre alors qu’il vient d’avoir vingt ans, et les garde-fous qui s’effondrent d’un seul coup. Jusqu’à la fin, on le suit dans une lutte féroce avec l’amour, la révolte, la vérité, ou plutôt avec les formes qu’ils ont prises dans une société qui en étouffe jusqu’au désir.

Entremêlant les voies du roman social, du récit d’apprentissage et de la dystopie, Diana Filippova nous entraîne dans un roman politique qui est aussi une histoire d’amour. D’une douloureuse beauté qui n’est pas sans rappeler celle de Martin Eden, la quête de Valentin tend un miroir à une société d’une monstrueuse bienveillance, où tout est permis et rien n’est possible.


Parce que nous sommes pareils, lui et moi, je connais l’exact endroit où notre gémellité s’arrête. La frontière à partir de laquelle elle se mue en adversité. Son regard est vissé au ciel, le mien se perd à mes pieds. Ce que je cherche, c’est une sorte de paix intérieure, de vérité intime. Si je n’ai toujours pas atteint cet état, c’est que ne peux pas me débarrasser de l’idée que la vérité intérieure ne peut pas exister sans vérité tout court, que la paix intime ne sera atteinte qu’au prix de la justice dehors.

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