A la pointe, Pierric Bailly, Editions Cambourakis, Musée des Confluences Lyon, Sociologie, Histoire, Art, Récit

Comme Tracy Chevalier à donné vie à La jeune fille à la perle en faisant un roman, Pierric Bailly s’appuie ici sur le Musée des Confluences de Lyon pour en faire le récit. Dernière parution de la collection Récits d’objets qui, depuis 2014, propose à des romanciers de choisir un objet parmi ceux que compte le musée pour en faire œuvre de fiction, A la pointe dénote. Renversant la consigne donnée, Pierric Bailly écrit sur le musée, sans jamais entrer à l’intérieur, se contentant d’errer, pendant de longs mois, juste devant, sur cette esplanade ouverte à tous les vents. Il revient sur des épisodes de son enfance, parcourant peu à peu tous les souvenirs personnels que lui évoque le musée, similaire à ces maisons sur pilotis qu’il a connu dans le Jura. C’est aussi l’histoire populaire de Lyon qui transparaît grâce aux rencontres que l’auteur fait aux abords du musée – on retrouve notamment l’histoire d’Aurélien Giraud, petit prodige du skate français.

Ces quelques quatre-vingt pages sur le Musée des Confluences sont un joli prétexte à une promenade atypique dans la capitale des Gaules, vue ici à travers un prisme que bien peu de touristes ont eu l’occasion d’expérimenter. C’est une ville d’entraide et de solidarité qui se dessine, à travers l’association Graille, que Pierric Bailly rejoint quelques temps et qui propose des repas chauds aux sans-abris à partir de produits jetés par les supermarchés. C’est aussi une ville de passionnés éclectiques, qui recherchent l’abri du musée pour s’adonner à leurs activités diverses : danse, arts martiaux, skate, roller mais aussi duels au sabre-laser comme dans Star Wars.

L’auteur semble un peu fou dans cette recherche sans queue ni tête qu’il mène aux abords de cette grosse grenouille perchée entre Rhône et Saône. Son auto-dérision nous le rend incroyablement sympathique et ses confidences dévoilent la part d’humanité qu’il dissimule habituellement dans ses romans. Ici, il imagine les histoires des personnes qu’il croise et n’a pas eu l’occasion d’aborder, comme on pourrait le faire des inconnus qu’on croise dans les transports. Qu’est-ce qui fait que ces gens sont venus là, devant ce musée, pour faire ça ? C’est l’humanité dans sa petitesse et sa diversité, c’est riche et émouvant.


Un musée ne vaut-il que par les collections qu’il abrite ? De par sa structure audacieuse et sa localisation unique à la rencontre du Rhône et de la Saône, celui des Confluences attire incontestablement le regard et suscite de nombreuses interprétations. Aussi, plutôt que d’y pénétrer et de plonger dans la multitude des objets exposés, Pierric Bailly a-t-il fait le choix d’enquêter à ses abords et d’interroger celles et ceux qui les fréquentent pour rendre compte des diverses existences qui gravitent quotidiennement autour de l’édifice sans forcément y entrer : danseurs amateurs, skateurs, amoureux, bénévoles d’associations caritatives ou simples promeneurs… Au fil de ces rencontres improvisées, Pierric Bailly multiplie les points de vue sur cette architecture hors norme qui structure l’espace entier au delà du bâtiment, redonnant vie à un quartier autrefois industriel puis délaissé.
Un texte profondément humain, qui sonde les strates d’histoire et de géographie d’une ville et offre une réflexion touchante sur la porosité d’un lieu avec son environnement, révélant une fonction muséale inattendue.

Découvrez les collections du musée des Confluences de Lyon sous le regard d’un écrivain.


– Le futur, on pourrait dire qu’il est là, devant nous. Le futur c’est l’enveloppe. C’est tout ce qui se passe autour. Les skateurs, les danseurs, les enfants qui se baignent dans les bassins en été. Les shootings de mode et les cours de sport un peu bizarres. Ça me semble une bonne manière de justifier l’aspect du bâtiment. C’est vrai qu’il ne dit rien de ce qu’on trouve à l’intérieur. Il en serait alors un contrepoint, ou un complément. À la fin de mes visites, j’aime bien demander aux gens ce qu’ils en pensent, ce qu’il leur inspire. Il y a parfois des interprétations étonnantes. À vous, qu’est-ce qu’il vous évoque ? »

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